Censure

Politique et ethnie/ Relation toxique (Par Youssouf Sylla)

En GuinĂ©e, la vie politique et publique est largement dominĂ©e par une passion ethnique excessive et l’absence de vrais dĂ©bats constructifs Ă  mĂȘme de permettre aux populations d’opĂ©rer des choix Ă©clairĂ©s. C’est tout le contraire de ce que devrait ĂȘtre une vie politique et publique apaisĂ©e dans une dĂ©mocratie plurielle, ouverte et tolĂ©rante.

Les personnes sont rarement jugĂ©es pour les actes qu’elles posent mais plutĂŽt pour ce qu’elles sont, indĂ©pendamment de leur vouloir. Or personne n’a choisi son nom, son village, bref son identitĂ©. On est dans ce pays, angĂ©lique ou diabolique selon la communautĂ© Ă  laquelle on appartient. Bienvenu dans le monde des clichĂ©s et des prĂ©jugĂ©s dans un monde aux mƓurs politiques rĂ©trogrades !

Aujourd’hui, la vie politique en GuinĂ©e est dominĂ©e par deux grands partis tentaculaires Ă  forte coloration ethnique et rĂ©gionale. Ces deux majors, aux forces centripĂštes, sont Ă  la base d’un important malaise social qui dĂ©teint sur la vie publique et quotidienne.  Alors qu’ils ont des partisans conquis d’avance, sans effort de persuasion, ces partis mettent en place des stratĂ©gies d’embarquement du reste de la population dans des conflits, situĂ©s Ă  des annĂ©es-lumiĂšre de ses intĂ©rĂȘts.

Poids du facteur ethnique dans la vie politique et publique en Guinée 

En GuinĂ©e, il est frĂ©quent que les ethnies s’accusent mutuellement d’ethnocentrisme. Pourtant, en jetant un regard sur leur passĂ©, il est frappant de se rendre compte que dans leur quintessence, elles sont gĂ©nĂ©reuses, ouvertes, et hospitaliĂšres. Mieux, la nation guinĂ©enne telle qu’elle existe aujourd’hui, est le fruit d’un important brassage entre les communautĂ©s. Ce mĂ©lange vient de diverses formes d’alliances sociales.

Il est donc faux de croire ou de faire croire qu’en GuinĂ©e, une ethnie porte en elle-mĂȘme les germes d’un ethnocentrisme qu’elle transmettrait de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Ces propos stigmatisent, mettent Ă  mal le tissu social du pays façonnĂ© par le travail acharnĂ© de nos ancĂȘtres qui avaient un sens Ă©levĂ© du respect de soi et de l’autre.

L’ethnocentrisme dans la vie politique et publique est d’apparition trĂšs rĂ©cente. Il est nĂ© Ă  travers les diffĂ©rents rĂ©gimes qui se sont succĂ©dĂ© Ă  la tĂȘte de l’Etat. Il est secrĂ©tĂ© par ces rĂ©gimes dans l’unique but de permettre Ă  celui qui l’incarne de conserver aussi longtemps que possible, gĂ©nĂ©ralement tout au long de sa vie, le pouvoir suprĂȘme.

Le pouvoir Ă©tatique est encore considĂ©rĂ© en GuinĂ©e comme la voie royale d’accĂšs aux ressources de la nation, Ă  l’affirmation de soi, Ă  l’amĂ©lioration du sort d’une communautĂ© et Ă  d’autres privilĂšges.

Les privilĂšges rĂ©els ou imaginaires dans certains cas qu’une large majoritĂ© des membres d’une communautĂ© tire du pouvoir Ă©tatique incarnĂ© par un de ses fils, sont si forts que l’idĂ©e de perdre ce pouvoir, mĂȘme Ă  travers une Ă©lection dĂ©mocratique, leur paraĂźt ridicule et surtout surrĂ©aliste.

C’est ici que la compĂ©tition politique autour du pouvoir vire Ă  la confrontation entre les communautĂ©s dont sont issus les leaders politiques. La perception du pouvoir sur cet angle est naturellement source de tensions, de frustration et de repli sur soi des communautĂ©s marginalisĂ©es dans l’exercice du pouvoir.

Un Etat repensĂ©, remĂšde contre l’ethnocentrisme

C’est Ă  l’Etat que revient en tout premier lieu la responsabilitĂ© de lutter contre l’ethnocentrisme. Ceci exige le retour de l’Etat aux principes fondateurs de la RĂ©publique. Il s’agit de l’égalitĂ©, la fraternitĂ© et la justice.

Le retour Ă  ces fondamentaux exige Ă  ce que le chef de l’exĂ©cutif soit dotĂ© des qualitĂ©s d’un vĂ©ritable homme d’Etat. Un personnage qui inspire confiance Ă  la grande majorité et qui n’est pas dans le contexte particulier de la GuinĂ©e, prisonnier de sa communautĂ©.

Il doit nettement se dĂ©marquer des personnages politiques aveuglĂ©s uniquement par leur Ă©lection ou réélection et surtout prompts Ă  faire plier l’Etat, sa constitution et ses principes Ă  leurs dĂ©sirs personnels, y compris celui de demeurer Ă  vie Ă  la tĂȘte de l’Etat sans  Ă©gard Ă  la place qu’ils occuperont dans l’histoire de la nation. Bref, il doit avoir le sens de l’histoire et travailler Ă  la construction d’un Etat dont la lĂ©gitimitĂ© est acceptĂ©e de tous.