Censure

Dialogue : pourquoi la main tendue du PM est à saisir…

En menaçant d’envahir la rue ce 23 juin, le FNDC (Front National de défense de la constitution) a brandi comme l’une de ses principales exigences, la création d’un cadre de dialogue inclusif (junte au pouvoir, gouvernement, forces vives…), avec une implication de la CEDEAO, pour discuter d’un retour à l’ordre constitutionnel au terme d’une durée « raisonnable ».

C’est ainsi que, tout naturellement, la sortie du Premier ministre Mohamed Béavogui, à l’occasion d’un point de presse tenu lundi dernier, a été perçue par de nombreux observateurs comme une réponse adéquate, et un gage de bonne foi, face à une demande commune au FNDC et à d’autres franges de la classe politique et de la société civile.

En effet, conformément à ses attributions, telles que définies dans la charte de la transition, le chef du gouvernement a annoncé l’ouverture imminente d’un cadre de dialogue.

Mohamed Béavogui s’est engagé à inviter, dans les jours à venir, les acteurs politiques et sociaux à une rencontre qu’il présidera lui-même,« pour définir ensemble les modalités d’un véritable dialogue sans tabou, franc et inclusif ».

Comme pour joindre l’acte à la parole, le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, sur instruction du Premier ministre, a invité les différents acteurs socio-politiques à une concertation

prévue du 24 au 27 juin 2022 à Conakry. Avec comme objectif, l’élaboration d’un plan d’action opérationnel du cadre de dialogue inclusif, permanent, ainsi que la définition de modalités pratiques pour le suivi de sa mise en œuvre.

Dans certains médias et milieux politiques, cette main tendue du Premier ministre est interprétée comme un « fléchissement » du CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement) et du gouvernement face à la menace que représenterait la marche projetée par le FNDC. Dans un contexte où, faut-il le rappeler, le CNRD interdit les manifestations politiques de rue, susceptibles à ses yeux de troubler l’ordre public et entraver le bon déroulement du processus de transition.

Quoi qu’il en soit, cet appel à se retrouver autour d’une table pour baliser la transition, de manière à ce qu’elle soit consensuelle et apaisée, est largement saluée au sein des opinions nationale et internationale. Ne serait-ce que par le fait que cela pourrait mettre le pays à l’abri des tensions et autres vagues de violence à relents politiques qui ont marqué l’histoire récente du pays.

Qui dit mieux ? Une telle décision ne devrait-elle pas recueillir une approbation unanime des Forces vives ?

Si d’aucuns avaient trouvé le moyen d’ignorer l’appel, en invoquant des arguties qui tiennent plus de la mauvaise foi que d’autre chose, il faut se réjouir du dénouement survenu aujourd’hui à la veille de la date fatidique. Pressé par diverses organisations (politiques, sages, femmes, activistes de la société civile et autres), ainsi que des représentants de la CEDEAO, de l’Union africaine et de certaines chancelleries occidentales, le FDNC a finalement décidé de repousser sa manif jusqu’au 30 juin prochain. Le temps, dans l’entendement de ses responsables, de jauger la bonne foi du Premier ministre et de son gouvernement.

Les apôtres de l’apaisement peuvent se frotter les mains, même si la détente risque de n’être que provisoire. Aussi, les craintes nées de l’attitude pour le moins paradoxale de ceux qui s’étaient empressés de rejeter la main tendue de Mohamed Béavogui, sans prendre la peine d’attendre de voir de quoi il retourne, devraient-elles s’estomper.

Si les populations guinéennes, dans leur majorité, ont poussé un ouf de soulagement à l’annonce faite par le Premier ministre, à cause des appréhensions que suscite le spectre d’une manifestation aux conséquences imprévisibles, certains acteurs politiques semblaient cependant tenir, coûte que coûte, à attiser le feu pour que soit inéluctable l’affrontement  programmé.

Question, peut-être, de mener jusqu’au bout la stratégie visant à pousser le colonel Mamadi Doumbouya et le CNRD à la faute. Avec comme gain escompté : la radicalisation de la CEDEAO, qui devrait statuer sur la transition guinéenne le 3 juillet prochain, avec comme conséquence la prise de sanctions contre le pays ; le renchérissement du coût de la vie et le mécontentement populaire qui pourraient en découler ; l’effritement de la popularité dont jouit le président de la transition et du sentiment de gratitude qu’éprouvent à son endroit les populations.

Alors que le Premier ministre a entamé des démarches allant dans le sens du dialogue annoncé, les appels lancés par de bons samaritains en direction des forces vives ont réussi, fort heureusement (même si pour le moment ce n’est qu’un répit), à désamorcer le clash tant redouté.

Ceux qui, malgré tout, persistent à ramer à contre-courant de l’histoire entendront-ils finalement raison ? Feront-ils preuve de bonne foi en allant, eux-aussi, sans préjugés autour de la table de dialogue ? Les pyromanes rangeront-ils leur lance-flammes ? Les oiseaux de mauvais augure mettront-ils en sourdine leurs prédictions apocalyptiques ?

Les jours à venir pourraient édifier l’opinion sur les véritables intentions des uns et des autres.

Une certitude : pour le colonel Mamadi Doumbouya et le CNRD dont le credo reste, plus que jamais, le rassemblement des Guinéens pour le développement ; et le Premier ministre Mohamed Béavogui, ancien haut fonctionnaire onusien dont l’essentiel de la carrière internationale a été dédié à la paix dans le monde, l’engagement d’œuvrer à l’unité nationale et à la préservation de la paix en Guinée, ne saurait faire l’objet d’un doute.

Bakary Sacko

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