Censure

Satire à vue. Butinage politique : Quand les abeilles s’immiscent dans le débat (Par Top Sylla)

C’était un jour de bourdonnement intense dans une ville de l’intérieur. Non, pas celui des abeilles – du moins pas au début –, mais celui d’une foule en liesse, venue célébrer les « performances miellées » des dirigeants. Ça grouillait comme dans une ruche géante. Une manifestation où les partisans du Prince, aussi déterminés qu’un essaim mêlant farouches soldats et ouvriers experts en récolte du pollen public, militaient pour son accession démocratique au pouvoir, malgré le petit détail de sa promesse de ne jamais se présenter. Mais ne dit-on pas que les promesses n’engagent que ceux qui y croient ?

Après des discours aussi mielleux que celui du renard de la fable, et des chants si fleuris qu’ils auraient fait saliver même la plus exigeante des abeilles, l’événement prit une tournure… quelque peu piquante. Des abeilles, voisines malgré elles de la fête, auraient décidé de s’inviter à la bamboula. Motif officiel ? Mystère. S’étaient-elles laissé séduire par l’éloquence des orateurs, excédées par le vacarme, attirées par les effluves des parfums de luxe, ou simplement vexées qu’on ose parler de l’avenir du pays sans les consulter ?

Les témoignages divergent. Certains partisans dévoués à la cause assurent qu’il s’agit d’un canular monté par des aigris, incapables de reconnaître le miracle opéré par le génie du « seul maître à bord après Dieu ». D’autres, peut être déçus de ne pas avoir été conviés à la dégustation du miel public, décrivent une scène digne d’un film fantastique : des T-shirts blancs aux effigies de celui que l’on sait,  recouverts par de méchantes bestioles  rayés de jaune et de noir, des manifestants aux visages bouffis courant en tous sens, et une hystérie généralisée.

Qui dit vrai ?

La police, elle, a publié un communiqué : l’incident serait dû aux décibels en excès et aux senteurs parfumées ayant perturbé la sieste de la ruche. Aucun lien, donc, avec des abeilles téléguidées par des « Niamakala » aux desseins obscurs. Comme prévu, cette version a fait le buzz sur les réseaux sociaux.

Certains commentateurs, s’emparant de l’anecdote, évoquent un puissant roi du nord-est qui, jadis, chassa des colons blancs indésirables à coups de « piqûres d’abeilles nationalistes ». De quoi nourrir les théories les plus fantaisistes : et si les abeilles d’aujourd’hui, héritières de ce devoir patriotique, n’ont fait que rappeler aux Guinéens que la démocratie a ses règles et ne saurait s’apparenter à un jeu de poker-menteur?

Moralité ? Si le miel du pouvoir est toujours sucré, les piqûres de la réalité sont parfois amères.

Aux dernières nouvelles, les abeilles prépareraient un manifeste pour exiger, lors des prochains scrutins, des urnes… en cire.