Les tensions montent dans le cadre du Programme National de Recensement Administratif à Vocation d’État Civil (PN-RAVEC). Des agents recenseurs ont annoncé une grève qui débutera ce mercredi 11 juin 2025. Ils dénoncent le non-paiement intégral de leurs rémunérations par la société sous-traitante en charge de l’opération, « Digitalis ».
À Kissosso, dans la commune de Matoto, la frustration est palpable.
Le chef du centre de recensement de Kissosso Mosquée, Abdrahamane Sylla, rencontré ce mardi 10 juin, a exprimé son indignation. « C’est une situation qui est répandue partout en Guinée et qui touche tous les agents recenseurs. Il y a plus de 19 000 agents recenseurs. Et ces agents recenseurs ont signé un contrat avec la société Digitalis pour une durée de 50 jours. Ces 50 jours ont été respectés. Il n’y a eu ni jours de repos, ni jours fériés. Les gens ont travaillé tous les jours que Dieu fait, de 8h à 17h, voire 19h, sans compter les heures supplémentaires, avec toutes les exigences du partenaire en question : la remontée des données, le reporting… tout cela a été respecté. Dans le contrat, on devait finir le 4. Et le premier versement concernant les rémunérations était fixé à 1 600 000 FG pour le premier versement, selon leur calendrier de paiement, qui devait être respecté. À la fin du contrat, tout agent recenseur devait rentrer en possession de son dû, qui s’élève à 3 millions de francs guinéens », a-t-il déploré.
L’opération, initialement prévue du 15 avril au 30 mai, a été prolongée au 20 juin par les autorités afin de permettre à tous les citoyens de s’inscrire. Mais cette prolongation ne semble pas avoir été intégrée dans les engagements contractuels des responsables de la société Digitalis.
Selon les agents, aucun document officiel ne vient encadrer cette période supplémentaire, et les paiements restent partiels. « Nous avons constaté, avec beaucoup de regrets et d’amertume, qu’après le prolongement décidé par le gouvernement concernant le recensement, non seulement ce prolongement n’est pas pris en compte par Digitalis, parce qu’aucun contrat n’a été signé, mais aussi que l’ancien contrat de 50 jours, qui a pris fin le 4, n’a pas été respecté : les gens devaient rentrer en possession de 3 millions, à la place ils n’ont eu qu’un versement de 1 million. Depuis lors, jusque-là, aucune communication claire ne se fait à ce sujet. Il y a un silence total. Nous n’avons pas d’interlocuteur. […] Aujourd’hui, c’est le 10. Cela fait 6 jours de plus que l’ancien contrat. Il n’y a ni un débat organisé pour savoir à combien seront rémunérés les 15 jours supplémentaires, ni un nouveau contrat envoyé aux agents pour qu’ils puissent le signer », a expliqué M. Sylla.
En ce jour férié, malgré l’affluence, une seule machine fonctionnait sur le site de Kissosso Mosquée. Ce qui a fortement ralenti les opérations : « Cela fait que les activités sont paralysées. Les agents restent à la maison, tout simplement parce que celui qui n’a pas pu respecter son engagement la première fois, qui vous dit qu’il ne fera pas la même chose la deuxième fois ? Donc les agents ont tellement peur qu’ils préfèrent rester chez eux. Nous sommes presque à l’approche de la fin du prolongement, il ne reste que 10 jours. Ça finit le 20. Vous imaginez ? Nous avons déjà un travail impayé. Et si on continue à travailler dans le nouveau contrat, nous ne savons pas combien cela sera rémunéré. […] Des gens continuent de venir, et d’autres disent qu’ils ne recensent plus. »
Dans les 13 quartiers que couvre cette équipe de recensement, seuls quatre rapports ont été transmis lors de la journée précédente. Une chute de performance révélatrice du malaise général, selon les agents. Ils entrevoient un arrêt total des activités dès ce mercredi. « Nous avons décidé que, depuis hier, les gens n’allaient plus venir sur le terrain. Hier, beaucoup ne sont pas venus. Eux-mêmes le savent, parce qu’il y a eu beaucoup de données qui n’ont pas été remontées. […] Après notre avertissement d’aujourd’hui, on va limiter le travail à 14 heures. Demain, on ne viendra pas : chacun reste chez soi. Et ensuite, nous allons voir quelles seront les autres procédures à suivre : s’il faut aller à la commune pour interroger le maire, etc. […] Donc, si vous voyez que le problème se pose et que vous ne voyez que 3 ou 4 rapports, vous comprenez ce que cela signifie. Ça en dit long », a indiqué Abdrahamane Sylla.
La même situation prévaut dans plusieurs autres centres de la commune de Matoto, laissant planer le risque d’un blocage complet du processus de recensement dans les jours à venir.
Abdoul Lory Sylla pour guinee7.com