Censure

Classement du ministère des Travaux publics : Les chiffres qui embarrassent le BTP guinéen

Dans le Grand Conakry, chaque saison des pluies est un révélateur. Les routes, les caniveaux, les trottoirs -ou ce qu’il en reste- deviennent des indices criants d’un pays qui construit sans se construire. Et voilà que le ministère des Infrastructures publie, le classement des entreprises chargées de la construction de 214 kilomètres de voiries urbaines de la capitale. Une initiative censée refléter la transparence, la rigueur et l’exigence de résultats. Très bien. Mais au-delà du vernis, que nous dit vraiment ce classement ?

Il nous dit que certaines entreprises, souvent peu connues, montent dans la hiérarchie des prestataires publics. Il nous dit aussi que d’autres, pourtant bien établies, s’effondrent. Exemple emblématique : Guicopres, fleuron autoproclamé du BTP guinéen, se retrouve relégué à la 13e place sur 15, avec un maigre 31% d’avancement sur les 36 km qui lui sont confiés dans Ratoma. Le géant a-t-il les pieds d’argile ?

Derrière les chiffres, c’est une réalité amère qui se dessine : des chantiers mal exécutés, des routes qui se transforment en pièges à ciel ouvert dès la première averse, des inondations aggravées par une urbanisation anarchique et des travaux de surface bâclés. Le citoyen trinque, l’argent public coule, et certains entrepreneurs – qu’ils soient novices ou vétérans- encaissent.

On peut saluer la volonté du ministère de publier un tel tableau. Mais la vraie transparence n’est pas qu’une question de chiffres, de pourcentages de travaux exécutés. Elle est aussi une affaire de conséquences. Quelles sanctions pour les entreprises défaillantes ? Quels mécanismes de suivi pour éviter que les mêmes erreurs ne se répètent ? Et surtout : quels critères objectifs pour attribuer ces marchés en amont ? Car trop souvent, la commande publique en Guinée reste le terrain de chasse des réseaux, non des compétences.

Il est temps que l’État guinéen cesse d’être le client captif d’un cartel du béton où la performance se mesure à la proximité du pouvoir, non à la qualité de l’ouvrage. Il est temps de choisir entre la complaisance et l’exigence. Car une route mal faite, ce n’est pas qu’un défaut technique. C’est une promesse trahie. Un risque mortel. Un futur compromis.

Enfin, question : À quand une Guinée où construire veut dire durer ?

Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com