La Guinée a désormais une nouvelle ministre de l’Agriculture : Mariama Ciré Sylla. Sur son CV, rien à dire. Ancienne représentante résidente du groupe de la Banque mondiale en Namibie -même si ce pays est en bas de l’échelle en termes de volume total des engagements de l’institution en Afrique-, elle connaît avec ses 10 ans passés là, les rouages de la finance internationale comme peu d’autres. Mais la question cruciale demeure : saura-t-elle adapter cet héritage institutionnel aux réalités d’un champ guinéen qui ne se cultive pas avec des PowerPoint bien calibrés dans des rétroprojecteurs ?
Parce qu’il faut le dire franchement : la Banque mondiale a toujours eu une vision très claire de l’agriculture africaine. Trop claire, parfois. Modernisation à marche forcée, productivité boostée par des intrants ‘‘modernes’’, filières d’exportation bien huilées pour les marchés mondiaux. Un modèle rangé… mais rarement taillé sur mesure pour les paysans qui sèment encore à la daba et vendent au marché de Tanènè.
Et surtout, l’institution de Bretton Woods est allergique à un mot pourtant vital pour l’agriculture guinéenne : la subvention. Son orthodoxie libérale préfère les mécanismes de marché et la compétitivité au soutien direct des producteurs. Or, dans un pays où la majorité des paysans cultivent à faibles moyens et sans amortisseurs financiers, la subvention -qu’importe la forme- n’est pas un luxe : c’est une condition de survie.
La vraie question est donc celle-ci : Mariama Ciré Sylla va-t-elle gouverner l’Agriculture guinéenne comme un projet de la Banque mondiale ? Avec indicateurs, tableaux de bord et missions d’évaluation trimestrielles ? Ou saura-t-elle sortir du moule, pour construire une politique agricole ancrée dans le terroir, qui parle d’abord aux paysans de Garanyi, Guemalo et Sara Moussaya, plutôt qu’aux consultants de Washington ?
Son atout, comme dit plus haut, c’est qu’elle connaît la mécanique des financements internationaux. Mais son défi, c’est de démontrer que l’argent seul ne fait pas pousser le maïs, et que l’agriculture guinéenne n’a pas besoin seulement de projets bancables, mais de projets vivants, enracinés et durables.
En clair, le pays n’attend pas un copier-coller de la Namibie ni un pilotage automatique Banque mondiale. Il attend un leadership capable de conjuguer rigueur technique, audace politique… et courage de contredire parfois l’orthodoxie des bailleurs. Si Mariama Ciré Sylla parvient à hybrider son expérience avec les besoins locaux, elle pourra inscrire son nom dans l’histoire agricole du pays. Sinon, elle rejoindra la longue liste de ministres passés… et vite oubliés.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com