Censure

Suppression de TVA : Facinet Sylla roule…mais pour qui ?

Politique économique Guinée

Le ministre du Budget, Facinet Sylla, a trouvé la clé du bien-être national : supprimer la TVA sur les véhicules neufs et utilitaires. Une mesure, dit-on, qui offrira à la classe moyenne guinéenne un peu de confort et de dignité. Charmante idée, si seulement il y avait encore des routes où ces véhicules pourraient rouler. Car en Guinée, le bitume est devenu un souvenir, remplacé par des cratères, des flaques et des ornières qui tiennent lieu d’infrastructures.

Autant dire, le confort sur un terrain miné. On rend accessibles les véhicules flambant neufs, mais pas les routes. Rappelons que dans certains endroits, même un tracteur aurait du mal à passer.

L’ironie est donc totale : un pays sans routes encourage l’importation de voitures neuves. Aussi, derrière cette réforme se cache une autre logique : celle du privilège maquillé en politique publique. Qui achète des voitures neuves chez nous ? Ni les cultivateurs, ni les enseignants, encore moins les jeunes entrepreneurs. Ce sont les mêmes visages (les Débouts, diraient les Ivoiriens), les mêmes milieux protégés, ceux qui n’ont jamais eu besoin de TVA pour se sentir à l’aise.

Pendant que les agriculteurs cherchent des engrais et que les marchés de l’intérieur sont isolés faute de routes, le ministre Facinet  choisit de stimuler l’économie par le luxe roulant. Une belle trouvaille pour un pays où les camions de vivres peinent à atteindre les villages -on ne le rappellera jamais assez, mais où les 4×4 ministériels roulent toujours – quand ils ne volent pas.

Alors disons au gouvernement, dans chacune de nos langues nationales, que le véritable moteur de l’économie guinéenne ne se trouve pas sous un capot, mais dans les champs, les ateliers et les petites entreprises qu’on étouffe sous les taxes. En détaxant les voitures plutôt que les outils de production -même si pour se dédouaner, il y ajoute les véhicules dits utilitaires-, le ministre du Budget semble confondre développement et décoration.

En un mot ou en quatre, cette exonération annoncée ressemble à une belle voiture exposée dans un showroom : brillante, inutile, et déconnectée du monde extérieur.

Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com