
Le 67ᵉ anniversaire de l’indépendance aurait pu marquer un tournant historique dans la trajectoire politique de la Guinée. À la faveur d’un référendum validé à plus de 89 %, le pays s’est doté d’une nouvelle constitution, censée ramener l’État à l’ordre constitutionnel et ouvrir la voie à l’élection présidentielle programmée en fin d’année. Pourtant, dans son discours à la nation, le général Mamadi Doumbouya n’a pas jugé utile de mentionner ni la nouvelle loi fondamentale, ni l’échéance électorale décisive qui en découle. Ce silence intrigue et interroge…
Car la nouvelle constitution n’est pas un événement mineur. Elle a été présentée comme l’une des promesses phares du CNRD, fruit d’un processus qui aura mobilisé l’administration, les ressources de l’État et, selon des estimations non officielles, englouti près de 40 millions de dollars. Une véritable démonstration de force logistique et politique, orchestrée par le Conseil national de la transition (CNT) et par le gouvernement de Bah Oury, qui n’a ménagé aucun effort pour porter le projet à son terme.
Ignorer cet épisode fondateur dans une allocution solennelle, c’est envoyer un signal politique clair. Beaucoup y voient un désaveu implicite envers les principaux artisans de cette constitution : Dansa Kourouma, président du CNT, et Bah Oury, Premier ministre. Ce dernier, transformé en VRP du référendum. Lui qui a déployé tout son arsenal politique pour convaincre les Guinéens de voter, malgré une opposition qui a boudé les urnes, découvre que son travail acharné n’a pas mérité une ligne dans la bouche du chef. Il faut reconnaitre que son effort était colossal avec un résultat discutable. L’après-référendum révèle-t-il ainsi les limites de son influence ?
En tout cas ce mutisme présidentiel, lourd de sens, laisse planer un doute sur la véritable lecture que le général Doumbouya fait de la séquence en cours.
Questions : Est-ce un simple oubli stratégique, une volonté de temporiser avant la présidentielle ? Ou bien le signe d’un désengagement progressif vis-à-vis d’une transition qui perd de sa cohérence et de son souffle ? ou encore le chef de l’Etat est-il fatigué des résultats à demi-teinte des politiciens charmeurs de serpent qui rôdent autour du Palais ?
Une chose est certaine : à l’heure où la population attend des réponses claires sur son avenir institutionnel, économique et social, le discours présidentiel n’a pas dissipé les incertitudes. Au contraire, il les a accrues.
C’est vrai qu’en politique, le silence peut parfois être plus éloquent que les paroles. Celui du général Doumbouya, le 2 octobre dernier, en dit long sur les fractures internes de la transition et sur l’énigme de ses véritables intentions. C’est le moins qu’on puisse dire.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com