Censure

Exclusif. Cellou répond à Sékouba Konaté

Politique guinéenne

Accusé par le général Sékouba Konaté d’avoir trempé dans la vente d’Air Guinée et d’avoir échappé à la prison grâce à lui, l’ancien Premier ministre et président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, contre-attaque. Dans cet entretien exclusif accordé à Guinee7.com, il démonte les ‘‘contre-vérités’’ du général, revient sur les dessous de la privatisation d’Air Guinée et livre un témoignage inédit sur la libération d’Alpha Condé en 2001.

‘‘Tout ce qu’il a dit, ce sont des contre-vérités’’

Guinee7.com : Le général Sékouba Konaté affirme que vous auriez dû aller en prison pour la vente d’Air Guinée et que c’est lui qui vous a sauvé. Il soutient que vous avez signé et reconnu votre responsabilité. Que répondez-vous ?

Cellou Dalein Diallo : Tout ce qu’il a dit, c’est des contre-vérités. Je n’ai jamais signé un document, je n’ai jamais reconnu quoi que ce soit. Dans l’affaire Air Guinée, je n’ai jamais été interrogé. Ni Ousmane Kaba, ni aucun inspecteur chargé de l’audit ne m’a convoqué.

Je ne peux pas signer un dossier sur lequel je n’ai jamais été entendu. À l’époque, je n’ai été accusé de rien. Les accusations sont venues bien plus tard, sous le CNRD.

‘‘Je n’ai jamais été interrogé ni poursuivi’’

Le général parle d’un aveu que vous auriez fait devant l’agent judiciaire de l’État, Alfred Matos…

Jamais ! Matos ne m’a jamais interrogé, jamais convoqué. Je n’ai rien reconnu parce que je n’ai rien à reconnaître.

Je n’ai jamais été interpellé, ni au temps d’Alpha Condé, ni de Dadis, ni de Sékouba. C’est seulement avec l’arrivée du CNRD qu’on a commencé à parler de “blanchiment”, “détournement” ou “corruption des fonctionnaires”. Avant cela, je n’ai jamais eu le moindre problème judiciaire.

‘‘Ils ont voulu me trouver un grief dans le rapport’’

Vous contestez donc le rapport d’audit qui vous incrimine dans la vente d’Air Guinée ?

Absolument. Ousmane Kaba a produit un rapport, affirmant que j’avais vendu Air Guinée à Mamadou Sylla sans appel d’offres. C’est totalement faux.

Le Conseil des ministres avait approuvé la privatisation, qui a ensuite été confiée au ministère des Finances. Je n’étais même pas représenté dans la commission qui a conduit l’opération. Aucun cadre du ministère des Transports n’y figurait.

Mais dans les conclusions du rapport, ils ont quand même dit que j’avais ‘‘décidé tout seul’’, juste pour me trouver un grief.

Je n’ai d’ailleurs vu ce rapport qu’en 2022 ! Ousmane Kaba est vivant, il sait très bien que je n’ai jamais été interrogé. Et les inspecteurs, Cheick Camara (ancien ministre des Finances) ou Ibrahima Camara (alors directeur de l’Unité de privatisation), savent eux aussi comment les choses se sont réellement passées.

“Sous le CNRD, j’ai été accusé de tout”

Vous dites avoir été convoqué récemment dans le cadre de nouvelles procédures ?

Oui. Sous le CNRD, alors que j’étais à l’extérieur du pays, on a lancé des convocations en parlant de “blanchiment d’argent”, “détournement de fonds publics”, “corruption de fonctionnaires”. Mais tout cela n’a rien à voir avec l’affaire Air Guinée. Ce sont des accusations sans fondement.

“C’est moi qui ai obtenu la libération d’Alpha Condé”

Parlons d’un autre sujet. Un autre ancien ministre, Tibou Kamara, dans une tribune, a révélé que vous aviez joué un rôle dans la libération d’Alpha Condé. Est-ce vrai ?

Ce n’est même pas un ‘‘rôle’’, c’est moi qui ai obtenu sa libération. Après mes missions réussies aux États-Unis, le président Lansana Conté était satisfait. Un jour, en tête-à-tête, je lui ai dit : Président, aujourd’hui, vous êtes le doyen des chefs d’État de la sous-région. Vous avez vaincu la rébellion, accueilli des réfugiés, sauvé l’intégrité du territoire. Surprenez le monde en libérant Alpha Condé. Il a tiré sur sa cigarette et m’a demandé : “Comment je fais ?”

Je lui ai répondu : Appelez le ministre de la Justice et demandez-lui de vous préparer un décret.

Deux jours plus tard, le décret de libération est sorti. C’était un vendredi.

“Je ne l’ai pas fait pour Alpha Condé, mais pour l’image du président”

Vous n’avez jamais parlé de cette intervention à Alpha Condé même quand il était au pouvoir?

Non. Je ne l’ai pas fait pour lui, mais pour l’image du président Conté. Je ne connaissais pas Alpha. Dire cela aurait pu paraître comme si je cherchais à acheter son indulgence.

Tibou Kamara et Alpha Amadou (un grand commerçant) étaient au courant avant le décret.  c’est tout. Moi, je ne l’ai jamais dit à Alpha, même quand il est devenu président. Mais je peux jurer sur la tête de mes enfants que tout ce que je dis là est vrai. Mon livre sortira bientôt. Il faut que la vérité soit dite pendant que les témoins sont encore là.

“Alpha Condé avait choisi de me faire la guerre”

Vos rapports avec Alpha Condé ont souvent été difficiles…

C’était l’hostilité totale. Il avait choisi de me faire la guerre. Je pense qu’il a mal pris deux choses : le succès de mon engagement politique et mon score du premier tour de la présidentielle de 2010.

Interview réalisée par Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com