Censure

Présidentielle : un vainqueur connu, des perdants affichés “alibi démocratique”

Une élection présidentielle est annoncée pour le 28 décembre prochain. Une seule candidature, pressentie mais non encore officiellement confirmée, retient l’attention du pays. D’autant plus que des candidats habituels et sérieux ont été jusqu’à présent exclus, rejetés ou éliminés d’emblée.
Mais comme toujours, ceux qui persistent à croire que la politique relève de la sorcellerie et l’élection présidentielle d’une loterie se bousculent pour être candidats. Ils tentent leur chance, se lancent dans de faux calculs et des paris insensés, pourtant perdus d’avance. Chacun sait déjà à quel résultat s’attendre et quel sera son sort. Alors, pourquoi saturer le scrutin de candidatures vouées à l’échec ? Pourquoi vouloir désacraliser la fonction présidentielle en donnant l’impression que tout le monde peut y prétendre, ne serait-ce que pour satisfaire un ego surdimensionné, un caprice ou un fantasme personnel ?

Dans notre pays, il y a toujours eu, d’un côté, ceux qui veulent accéder au pouvoir et en ont les capacités requises, et de l’autre, ceux, bien plus nombreux, qui gravitent autour du pouvoir sans rien en maîtriser ni en comprendre, nourrissant l’ardent désir d’en faire un tremplin sûr ou une rente confortable. Ces derniers vivent grassement de leur proximité avec les décideurs en place.
D’ailleurs, chaque fois que des élections sont organisées ou projetées, on voit surgir de nulle part une faune de candidats potentiels, putatifs, pour le moins étranges. La plupart n’en restent qu’aux intentions et se contentent d’une publicité tapageuse pour attirer l’attention de l’opinion. D’autres participent malgré leurs handicaps évidents, pour finir lanternes rouges avec des scores si dérisoires qu’ils les rabaissent encore plus qu’ils ne l’étaient, eux qui rêvaient de grandeur et de prestige, trop tôt et trop vite.

On ne se lance pas en politique comme on entre en religion, par la seule foi. Il faut y être prédisposé et, tout de même, un peu doué. Une élection n’est ni un jeu de hasard ni un tirage au sort. Il faut s’y présenter « prêt », après avoir accompli quelque chose qui a retenu l’attention des électeurs et conquis leur cœur. Il faut aussi disposer d’une force électorale réelle, ou bénéficier d’un capital de confiance et de popularité suffisant pour faire la différence dans les urnes. Ou, à tout le moins, éviter le ridicule.
Au demeurant, on ne saurait assimiler l’élection présidentielle au commencement d’une vie ou à une rampe de lancement pour une carrière politique, encore moins à un terrain d’expérimentation pour des ambitions précoces et illégitimes. Dès lors qu’on brûle les étapes, qu’on force la situation, qu’on veut anticiper l’histoire et précipiter l’avenir en espérant un triomphe, on tombe inévitablement dans la désillusion et le ridicule.
Même dans une société où l’on s’est convaincu que chacun peut tout faire, peut arriver à tout, tout se permettre et ne rien s’interdire, ne devient pas président de la République qui veut. Comme le rappelait Albert Camus dans Le Mythe de Sisyphe : « Tout est permis ne veut pas dire que rien n’est défendu. » Aucun mythe ne survit indéfiniment ni ne triomphe de la réalité.

À propos de Sisyphe, rappelons qu’il s’agit de ce personnage de la mythologie grecque, condamné dans les enfers à pousser éternellement un rocher au sommet d’une montagne, d’où il retombait inexorablement.
À qui, à quoi, nous fait-il penser le pauvre ?

Tibou Kamara