Les avocats du capitaine Aboubacar Sidiki Diakité, alias Toumba, montent au créneau après le rejet de sa candidature à la présidentielle du 28 décembre 2025. Ils accusent le ministre de la Justice d’avoir délibérément empêché leur client de compléter son dossier, notamment en l’empêchant de se soumettre à la visite médicale exigée par la loi électorale.
La Cour suprême de Guinée a publié, samedi dernier, la liste provisoire des candidats retenus pour l’élection présidentielle du 28 décembre 2025. Parmi les dossiers rejetés figure celui du Parti pour la réconciliation et le travail (PRT), dirigé par Aboubacar Sidiki Diakité, alias Toumba, actuellement détenu dans le cadre du procès des événements du 28 septembre 2009.
En réaction, le collectif d’avocats du PRT a tenu une conférence de presse, ce mercredi 12 novembre 2025, à la Maison de la presse de Guinée pour dénoncer les circonstances ayant conduit à ce rejet. Les défenseurs de Toumba pointent directement du doigt le ministre de la Justice, Keiraba Kaba, qu’ils accusent d’avoir empêché leur client de remplir toutes les conditions exigées pour la validation de sa candidature.
Selon Maître Paul Yomba Kourouma, représentant du collectif, le dossier de Toumba comportait 11 des 12 documents requis par la Direction générale des élections. Le seul manquant était le certificat d’aptitude médicale délivré par le Collège médical. Une absence que les avocats imputent à une obstruction du ministère de la Justice. « Un congrès a été organisé et il a été plébiscité pour représenter son parti aux prochaines élections. Il a réuni toute la documentation requise par la Direction générale des élections. Sur les 12 pièces exigées, Toumba en a présenté 11, en bonne et due forme. Le seul reproche qui lui est fait, c’est qu’il n’a pas pu se soumettre aux tests médicaux. Le Collège médical l’attendait, mais le ministère de la Justice s’est opposé fermement à sa présentation. C’est très grave, et c’est pourquoi le parti et le collectif pointent un doigt accusateur sur le ministre de la Justice, qui savait que le détenu devait être présenté et avait formulé la demande. Les textes législatifs sont pourtant clairs en la matière : il pouvait être sorti sous escorte », a dénoncé Maître Kourouma.
L’avocat a également révélé qu’à 23 heures, la veille de la visite médicale, le ministre de la Justice avait adressé une lettre au conseil de Toumba pour se déclarer incompétent : « La Cour suprême a été saisie de la question, et il fallait que Toumba se présente. C’est à 23 heures, la veille de la visite médicale, que le ministre a adressé une lettre à Maître Sakho, avocat de Toumba, pour lui dire qu’il n’était pas compétent en la matière et que Toumba devait s’adresser au président de la chambre criminelle de la cour d’appel de Conakry. Or, ce juge n’a jamais connu le dossier et n’en est pas compétent. Le ministre, en tant que chef du parquet, ne pouvait ignorer cela. »
Pour Maître Yomba, cette attitude relèverait d’un conflit personnel ancien entre le ministre et Toumba : « Quel problème personnel Toumba a-t-il avec le département de la Justice ? Nous avons essayé de remonter l’histoire. Quand Toumba était extradé, le ministre actuel de la Justice, le garde des Sceaux, était avocat général près de la cour d’appel de Conakry. C’est lui qui pilotait cette affaire. C’est-à-dire que c’est son adversaire légendaire, c’est son adversaire naturel, qui rumine encore, sans le dire ouvertement, cette qualification portée contre Toumba, qu’il ne voudrait le voir s’envoler comme ça. Et d’ailleurs, un des membres de son parquet, à l’époque, nous disait que Toumba n’était pas défendable. Il n’était pas défendable, il était libérable. C’est ça qu’elle a dit, la dame. Que Toumba n’était pas libérable. C’est-à-dire que, quel que soit le talent, quel que fût le talent des avocats, l’inconsistance des pièces du dossier à son égard, Toumba ne pouvait être libérée, ne pas être détenue par le ministère public. Voici la situation qui nous tourmente aujourd’hui. »
Les avocats dénoncent ce qu’ils considèrent comme une injustice administrative et un traitement à deux vitesses : « voyons, deux poids, deux mesures. Si Toumba venait à être recalé, ce serait un tort, une brimade, une entorse grave aux efforts qu’il a fournis à son parti. Il ne peut pas payer le fait de l’administration », ont-ils insisté.
Le collectif estime que la responsabilité incombe à l’État, et en particulier au ministre de la Justice : « Si l’État a brillé par sa négligence, le ministre de la Justice, premier conseiller juridique du chef de l’État, doit en assumer la responsabilité. Même pour les dossiers de grâce, c’est lui qui les instruit. Si, aujourd’hui, il n’existe ni commission compétente, ni juge chargé de l’application des peines, et que Toumba est recalé du fait de l’administration, cette responsabilité incombe à l’État. Celui-ci ne peut pas se prévaloir de sa propre stupidité.
Enfin, les avocats ont tenu à rappeler que leur client reste respectueux des institutions et du chef de l’État : « Quelle que soit la suite qu’il obtiendra de cette contestation, il prie que le président de la République croie qu’il gardera toujours de lui un souvenir reconnaissant. »
Abdoul Lory Sylla pour guinee7.com

