Censure

Élections, liberté de la presse, cas « Joachim Baba Milimouno » : l’analyse caustique d’Abdoulaye Bah

Abdoulaye Bah, coordinateur des fédérations de l’intérieur de l’UFDG, a, dans un entretien accordé à notre rédaction, commenté l’actualité politique de la Guinée. De l’organisation des élections au cas Joachim Baba Milimouno en passant par la liberté de la presse, l’ancien président de la délégation spéciale de Kindia s’est exprimé sans détour. Lisez.

Ousmane Gaoual Diallo, ministre porte-parole du gouvernement, dans une interview accordée à Jeune Afrique, n’a pas exclu l’idée d’organiser la prochaine élection présidentielle sans certains partis politiques classiques comme l’UFDG ou le RPG arc-en-ciel. Votre réaction !

Abdoulaye Bah : Oui, je pense que c’est l’opinion d’un individu. La souveraineté appartient au peuple. Ce sont des propos qui n’ont pas d’impact sur les élections en Guinée. Donc, je crois qu’il a donné son opinion, qui ne reflète pas la réalité. En tous cas, en ce qui me concerne, l’UFDG, parce que je suis de l’UFDG, je ne pourrais m’exprimer pour les autres partis, mais nous, à l’UFDG, nous réclamons le respect de la charte, le respect des lois nationales et le respect du peuple. Que les chances soient égales entre organisations. Monsieur Doumbouya avait bien dit qu’aucun individu, aucune personne membre du CNT, d’encore moins du gouvernement, ne sera candidat à aucune, quelconque élection politique. Nous nous en tenons à ça. Il y a beaucoup de mouvements de soutien à travers le pays, mais ce qui reste clair, c’est que M. Doumbouya ne s’est pas prononcé. Donc, c’est sa voix qui compte. Donc, celle d’Ousmane Gaoual n’engage que lui.

À l’UFDG, nous sommes unies, nous mobilisons nos forces. Les AG prouvent à suffisance notre détermination, nos rencontres à l’intérieur du pays prouvent à suffisance notre force. Nos bases restent fermes et déterminées. Notre leader est en bonne santé mentale et physique et politique, il est convaincu que les élections en Guinée se feront avec sa participation active. Nous sommes convaincus que, si la voix du peuple compte, puisque la Guinée est souveraine, les Guinéens ne manqueront pas de renouveler cette confiance qu’on leur a accordée depuis très longtemps. Donc, pour nous, c’est un non-évènement, (…). Pour nous, des propos pareils ne nous effraient nullement. Pour nous, c’est un non-évènement et nous nous préparons pour les élections communales, législatives et présidentielles, puis nous avons un candidat valable, capable et fiable.

Parlant d’élection, le Premier ministre Bah Oury a récemment annoncé que l’idée du couplage de l’élection présidentielle et des législatives est sur la table. Si, toutefois, cette option est prise en compte, quelle sera la position de votre formation politique ?

Je ne sais pas sur quelle base il a annoncé cela, mais cela est en contradiction avec les propos de M. Doumbouya. M. Doumbouya, si vous vous rappelez, avait bien dit que les élections politiques commenceront par l’élection communale, donc les élections citoyennes, pour donner les puissances aux maires, aux conseillers élus qui ont la capacité de changer la Guinée à la base, à la racine. C’est ce que M. Doumbouya avait dit. Maintenant, si M. Bah Oury est en contradiction avec son patron, cela doit attirer l’attention des citoyens. Et puis, il avait dit également, M. Doumbouya, qu’après les municipales, c’est les législatives pour doter la Guinée d’une assemblée législative, n’est-ce pas, représentative de la nation guinéenne, des députés de qualité, des députés intègres, des députés capables de voter des lois conformément, n’est-ce pas, aux aspirations de la Guinée. Et puis, on finit sur l’élection présidentielle à deux tours. Donc, voilà ce que, nous, on a à l’esprit, voilà ce qui a été dit par M. Doumbouya, qui a été relayé par les médias que vous êtes. Les archives en font foi. Je pense qu’il sait respecter ce qu’on a dit et ce qu’on a pris comme engagement.

En matière de liberté de la presse, la Guinée occupe la 103ᵉ place du classement de Reporters sans frontières en 2025, alors qu’en 2024 elle occupait la 78ᵉ place. Ainsi, le pays chute de 25 places. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je pense que le rapport doit nous interpeller. La presse n’appartient pas seulement aux journalistes. La presse appartient à l’ensemble de la nation. Vous êtes la voix du peuple. Vous êtes la plume et le papier du peuple. Je pense que tout bon citoyen en Guinée devrait être sensible à cela. Il n’y a pas de souveraineté sans presse. Il n’y a pas de démocratie sans presse. Il n’y a pas d’activité politique publique sans presse. Vous êtes des citoyens qui remplissez une partie des compétences nationales. Je pense qu’on devrait vous accorder de très bonnes formations dans les universités. On devrait aussi vous accorder des moyens suffisants pour pouvoir travailler pour la nation. Mais également, on devrait aussi vous renforcer pour que la Guinée puisse bénéficier de votre expertise. Toutes les nations fortes, c’est des nations où la presse est forte. Il n’est pas question d’écrire contre quelqu’un. Il n’est pas question d’écrire contre une institution. Il est question de rapporter et de dire ce qui est et ce qui doit être. Donc, chacun joue son rôle dans la nation et la presse est un maillon fort dans une nation. Et d’ailleurs, certaines disent que c’est le quatrième pouvoir. Après le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire, le pouvoir exécutif. Depuis une trentaine d’années, les sociologues politiques français disent que la presse est le quatrième pouvoir. Et je pense que c’est une réalité. Donc, on a besoin de la presse parce que la presse est l’œil, les oreilles et la langue de la nation.

Est-ce que vous pensez que ce classement reflète la réalité sur le terrain ?

Je pense que le rapport, naturellement ou forcément, est fondé sur la réalité du terrain. Donc, il faut améliorer, il faut tirer les leçons, il faut avancer, il faut entraider, il faut trier. Je pense que le rapport doit, du moins les autorités, nous interpeller pour que ceux qui ne marchent pas ou ceux qui vont marcher puissent faire un budget d’analyse, de travail sérieux, d’expertise, pour que cela puisse être changé.

Joachim Baba Milimouno conteste sa révocation au poste de coordinateur de la cellule de communication de l’UFDG et il demande au parti de lui donner la chance de s’expliquer. Votre réaction !

Joachim, il a commis une grosse faute. C’est ce qu’il ne parvient pas à accepter. Il persiste dans la faute. Joachim s’est permis de s’inviter sur un terrain qui n’est pas le sien, à savoir la coordination des fédérations de l’intérieure qui relève de moi, il n’avait aucun pouvoir, aucun droit de parler texte du parti, n’est-ce pas, d’aller en Haute-Guinée et en Guinée-Forestière, porteur d’un mémo écrit à Conakry, n’est-ce pas, pour manipuler certains de nos fédéraux, au compte de certains individus qui ont une dent contre l’UFDG parce qu’ils n’ont pas suivi la voie légale, la voie normale pour quitter l’UFDG. Et donc, ça, c’est un complot malheureux, qui a échoué et qui persiste encore. Je rappelle très bien qu’il était le coordinateur de par le pouvoir du président, son pouvoir discrétionnaire. Le président, il nomme qui il veut aux fonctions du parti, et il t’enlève quand il veut, en fonction des textes du parti. C’est vraiment méconnaître les textes de loi, c’est persister dans la faute, et ça ne fera que compliquer sa situation. Donc, c’est qu’il a fait une grosse faute, impardonnable, parce qu’il n’est pas le coordinateur de la fédération de l’Intérieur, il était le coordinateur de la communication. S’il avait, n’est-ce pas, des opinions ou des avis, il devait les faire, les livrer au sein du conseil politique. Conseil politique où il a été accepté de façon exceptionnelle. Je fais une confidence : même moi, j’ai œuvré pour qu’on puisse l’accepter au conseil politique, parce qu’on m’avait touché à un moment donné. Il m’a dit : Grand frère, je suis le coordinateur de la communication, et il m’est difficile de ne pas rester sans parti au conseil politique. J’ai dit : Oui, on va œuvrer pour que le président accepte au conseil politique, parce que tu es la plume, tu es la parole, tu portes la parole du parti. Donc on a tous, beaucoup de gens au conseil politique, œuvré pour que le président le nomme à ce poste. Après le départ d’Ousmane Gaoual, qui a fait un abandon de poste, de passage, je précise bien, Ousmane Gaoual est parti, sans dire au revoir, alors qu’il récupère un poste dans le parti.

Il a été nommé pour être le communicant du parti. Donc ça, c’est un abandon de poste en droits administratifs. Comme en droits militaires, quand vous quittez votre poste militaire ou gendarme, vous n’avez pas fait, n’est-ce pas, de désertion, en droits militaires. Vous ne pouvez pas partir de votre poste sans raison valable. Et en droit administratif, vous ne pouvez pas quitter un poste qui vous a été attribué sur base de la confiance sans motifs valables. Donc ça, c’est un abandon de poste en droits administratifs ou en droits militaires, n’est-ce pas, c’est la désertion. Vous n’êtes pas passible de passer devant la cour militaire ou la cour martiale. Donc ça, c’est une parenthèse par rapport à leur comportement. C’est des cadres, c’est des gens qui utilisent des cadres, qui ont fait l’école guinéenne et qui ne savent pas se comporter pour illustrer, n’est-ce pas, leur statut d’universitaire. Et ça, c’est un gros problème pour la Guinée.
Les gens se comportent comme ils veulent. Ce ne sont pas les intentions qui guident dans les institutions. Ce sont les textes qu’il faut apprendre, assimiler, n’est-ce pas, et être guidé par ces textes. On ne peut pas aller dans un parti pour organiser un agrément avec une demande d’adhésion et quitter ce parti comme un oiseau qui quitte son nid sans une lettre de démission. C’est la moindre des choses. Et d’ailleurs, si c’était une entreprise privée ou même l’État, on vous aurait poursuivi pour abandon de poste et pour dommages causés à l’entreprise privée ou à l’État. C’est ce que ces gens-là ignorent. Mais quand on n’est pas instruit, qu’on n’a pas fait la bonne école, on patauge dans les erreurs, dans les fautes.
Donc, Joachim devrait avoir un bon conseiller pour lui dire : écoute, tu as fauté, reste tranquille. Donc, son cas est réglé par un acte discrétionnaire du président qui l’a débarqué gentiment, et il reste cependant, s’il veut, membre de l’UFDG. Mais le poste de coordonnateur, la communication qu’il a exploitée pour être avec les ennemis de l’UFDG, pour envoyer un hôtelier en forêt dans un véhicule 4×4 carburé au frais de quelqu’un contre l’UFDG, n’est-ce pas, est la cause et le motif valable, n’est-ce pas, pour ne pas continuer à causer beaucoup de dommages et, comment dirais-je, à l’UFDG.

Entretien réalisé par Bhoye Barry pour guinee7.com