À peine la saison des pluies a-t-elle commencé que les routes en Guinée s’effondrent déjà sous nos yeux. Le communiqué de l’AGEROUTE, publié suite aux pluies diluviennes du 1er au 2 juillet, confirme ce que beaucoup de Guinéens expérimentent quotidiennement : nos infrastructures routières ne sont ni robustes, ni préparées à affronter les intempéries pourtant prévisibles.
En quelques heures, une érosion de talus à Friguiadi, un dalot qui cède à Bentouraya, une déviation provisoire emportée à Falessadé, un pont endommagé à Dubréka. Ce bilan n’est pas celui d’un séisme ou d’un cyclone, mais simplement d’une pluie. Une pluie qui révèle sans fard la mauvaise qualité des ouvrages, les travaux bâclés, l’absence d’entretien préventif et surtout, l’échec structurel d’une gouvernance routière qui peine à apprendre des années précédentes.
Mais le plus inquiétant, c’est que les dégâts sont aussi le fruit d’un autre mal : l’abandon des chantiers. À plusieurs endroits de Conakry et dans ses environs, des travaux d’infrastructures entamés mais non achevés obstruent les voies naturelles de ruissellement. Des fossés comblés à moitié, des caniveaux bétonnés à l’arrêt, des remblais oubliés en pleine chaussée… autant d’entraves qui empêchent l’eau de circuler et précipitent inondations et effondrements. Autrement dit, là où il devrait y avoir des solutions, ce sont les chantiers eux-mêmes qui deviennent le problème.
À Conakry aujourd’hui, conduire sous la pluie n’est plus seulement inconfortable : c’est dangereux. Très dangereux. La chaussée se transforme en piège : nids-de-poule engloutis par les eaux, routes submergées sans signalisation, glissements de terrain à la moindre averse. Et plus grave encore : à plusieurs endroits, des automobilistes s’enfoncent littéralement dans des fossés ouverts, non couverts, devenus invisibles sous l’effet des inondations. Chaque averse est ainsi un tirage au sort macabre pour ceux qui n’ont d’autre choix que de prendre le volant. Compliqué. Super compliqué.
Et pourtant, l’AGEROUTE appelle à la prudence. Comme si la prudence pouvait colmater une route rongée par l’incompétence. Comme si le civisme des usagers pouvait suppléer à l’inefficacité des entreprises adjudicataires. Comme si mettre un panneau ‘‘travaux en cours’’ suffisait à faire oublier qu’on construit, encore et toujours, des routes qui ne tiennent pas une saison.
Nous ne sommes qu’au début de l’hivernage. Et déjà, les fondations de nos routes -au sens propre comme au figuré-s’écroulent. Faudra-t-il attendre un drame humain pour que les normes de qualité cessent d’être une formalité administrative ? Faudra-t-il que des victimes réclament justice pour que la culture de la reddition de comptes remplace celle de la complaisance technique ?
Il ne suffit pas de promettre des mesures d’urgence. Il faut surtout se demander pourquoi ces mesures deviennent toujours nécessaires, chaque année, dès les premières pluies.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com