Ces dernières années, les autorités successives de la Guinée, pays d’Afrique de l’Ouest riche en ressources naturelles, ont exprimé leur volonté d’intégrer progressivement des acteurs nationaux dans le secteur stratégique des mines. L’objectif annoncé : faire émerger des champions guinéens capables de capter et de valoriser localement une part significative des revenus miniers.
Cependant, la récente décision de retrait de plus de 140 titres miniers – dont plusieurs étaient actifs – risque de fragiliser cette dynamique si les réattributions ne s’opèrent pas de manière rigoureuse et stratégique.
Ce retrait massif a particulièrement affecté les opérateurs guinéens, qui étaient de plus en plus présents dans le secteur.
« Nous avons mené une politique volontariste pour corriger l’absence des Guinéens dans un secteur aussi crucial pour notre économie. Les permis qui leur ont été accordés et les amodiations validées allaient dans ce sens », a confié un ancien haut responsable du ministère des Mines à WESTAF MINING.
« Nous sommes même allés plus loin, en créant un environnement favorable à la mise en relation entre les hommes d’affaires guinéens et des entreprises étrangères disposant de la capacité technique et financière nécessaire au développement et à l’exploitation des permis qui leur étaient attribués », a-t-il ajouté.
Cette politique visait à favoriser des partenariats stratégiques tout en veillant à la protection des intérêts des investisseurs internationaux, toujours essentiels à la croissance du secteur.
Plusieurs entrepreneurs locaux ont ainsi pu accéder à des permis miniers, à l’image d’Ansoumane Kaba dit Kaba Guiter (permis d’exploitation diamantifère), Thierno Madiou Barry alias Barry Angola (concession Kébo Energy, projet de raffinerie d’alumine estimé à 4 milliards USD), ou encore Ahmed Kanté, ancien ministre des Mines, aujourd’hui à la tête d’AGB2A-GIC, active sur les permis amodiés Axis et GBT. On peut également citer Sony Doumbouya (Kambia Mining, ex-AMR), désormais actuel actionnaire majoritaire de sa société, ou encore El Hadj Mamady Nabé, qui a relancé la Société des Bauxites de Guinée (SBG), et propriétaire de Taressa Mining, un dossier pour lequel la Commission des Mines s’était prononcé favorablement.
Le point préoccupant réside dans le retrait de permis déjà en activité. Ces décisions, prises à partir du 9 mai 2025, ont notamment touché des projets comme celui d’AGB2A-GIC.
Malgré un passif hérité de la rupture avec les Chinois de SD Mining (environ 28 millions USD), la société a remboursé plus de 80 % de sa dette, maintenu la production et affiche des objectifs ambitieux (15 à 18 millions de tonnes de bauxite en 2025, après 7,5 millions en 2024).
Ahmed Kanté a même proposé à l’État de reprendre la gestion du permis d’Axis, retiré, en promettant 50 millions USD de recettes annuelles pour le Trésor public, tout en garantissant la prise en compte des intérêts de l’autre société installée sur le même périmètre.
Concernant la SBG, le retrait du permis a été perçu comme un coup dur. Depuis décembre 2024, El Hadj Nabé, son nouvel actionnaire principal, avait injecté des ressources pour relancer la société, jusque-là à l’arrêt.
Selon nos sources, en mars et avril 2025, tous les travailleurs ont reçu deux mois de salaires cumulés à la fin de chaque mois, dans le cadre d’un programme de règlement des arriérés. Les machines (tracteurs, pelleteuses, excavateurs, etc.) avaient été remises en marche, permettant de reprendre la production.
Outre les 500 000 tonnes de bauxite déjà stockées sur place par l’ancienne direction, environ 120 000 tonnes supplémentaires avaient été extraites, en vue de compléter une cargaison destinée à l’exportation.
En définitive, si la volonté de réorganiser le cadastre minier peut se justifier par la recherche d’efficacité et de transparence, elle ne saurait ignorer les efforts réels menés pour faire émerger une classe d’opérateurs guinéens crédibles et productifs.
Retirer sans discernement les permis de ceux qui ont déjà démontré leur sérieux, leur capacité financière et opérationnelle, reviendrait à ruiner des années d’engagement pour la promotion du contenu local, dans un secteur pourtant crucial pour la souveraineté économique du pays.
Source : Westaf Mining
Titre : guinee7