Censure

Le bloc-notes de Zacharie : treize morts et plusieurs blessés, en voici une opportunité des plus en or

Ils maîtrisent par cœur le danger qui les guette sans relâche, ils le connaissent pour l’avoir vu déferler d’été comme d’hivers, ils sauraient même en faire un calque, ils y vont pourtant, comme à un champ de bataille, en ne sachant de quoi sera fait le jour. Angoisse tapie dans le ventre, ils descendent quand bien même, quoique conscients que la fin pourrait être aujourd’hui. Curieuse détermination que celle des ouvriers des mines !

Quelques oasis de contentements irrégulièrement parsemés sur le rude sentier de l’orpailleur, ainsi décrirais-je l’aventure des nombreux ouvriers qui occupent les aires bénies de Guinée. Ils se permettent le loisir des larmes par besoin de conformisme, puis reviennent à leur rêverie, à leur foi en une richesse qui ne viendra peut-être jamais. Rien, ni même personne n’ébranle cette obsession du devenir riche qu’ils titillent passionnément jusqu’au jour où le fatal sort décide de les élire.

Il leur saute pourtant aux yeux que rien, ni personne ne garantit sécurité à leurs vies. Certes, la réalité du danger d’éboulement est générale à ce type de travail, mais l’exploitation artisanale de l’or n’en fait que décupler les risques. Autant convier les orpailleurs à repenser leur métier qui, de cette façon-ci ou de cette façon-là les dispose en première ligne du front.

Que soit dit en passant, et j’y tiens, la pauvreté matérielle ne me semble pas expliquer toutes nos souffrances. Il n’y a rien à perdre à aller voir, au-delà de la galère si souvent brandie, les profondes motivations des populations à offrir ainsi leurs vies, comme à une cause religieuse. Je maintiens ici que la pauvreté en serait l’explication facile.

Aussi, la Guinée et son gouvernement n’ont peut-être pas les ressources financières, ou pas même la réglementation pour amoindrir ces risques, mais cela, elle ne saura jamais l’expliquer, ni aux récents morts de Sèguè à Siguiri, ni à leurs familles tout en larmes. En temps normal, à conscience d’homme, une seule mort devrait suffire à faire revoir les copies.

Qu’on arrête donc avec ces formules creuses de commisération dont la grande civilisation nous a si fièrement dotés. Que tout acteur concerné par cette exploitation risquée de nos minerais réalise que la meilleure façon de porter ce deuil consiste à faire en sorte qu’à l’avenir il y ait moins d’effondrements sur de pauvres et vrais gens.

Tous les jours, en effet, constituent pour l’Etat guinéen une autre occasion de nous rassurer par sa présence. 13 morts et plusieurs blessés, en voici une opportunité des plus en or.

zachariemills@gmail.com

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