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Développement durable : Un Guinéen parmi les dix innovateurs africains

Le forum « Afrique – 100 innovations pour un développement durable », organisé par le ministère français des Affaires étrangères afin de « mettre en avant des innovations inscrites dans le développement durable, portées par des innovateurs africains et déjà mises en place localement » s’est tenu à Paris, le 5 décembre 2013. Inspirée des initiatives du département d’État américain, tel le concours Apps4Africa lancé en 2010, cette opération de diplomatie économique a suscité un réel engouement puisque près de 850 dossiers ont été déposés en quelques semaines, émanant de presque tous les pays du continent et couvrant tous les domaines : agriculture, santé, accès à l’information…

Au bout d’un mois, 100 projets ont été retenus par un comité composé notamment de l’économiste franco-américaine Esther Duflo, de Jean-Michel Severino, ex-directeur général de l’Agence française de développement (AFD), et de Malamine Koné, PDG de l’équipementier sportif Airness. Sur cette centaine d’initiatives, 21 porteurs de projets ont été invités à Paris pour présenter leurs initiatives et « rencontrer de nouveaux partenaires pour faciliter la diffusion de leurs initiatives », comme l’a indiqué à Jeune Afrique Pascal Canfin, ministre délégué en charge du développement et initiateur du Forum. Voici la sélection de Jeune Afrique.

– Haoua Ouedraogo-Ilboudo (Burkina Faso) : un centre de recyclage des sachets plastiques

À la tête du Groupe d’action des femmes pour la relance économique de la région du Houet au Burkina Faso (Gafreh), Haoua Ouedraogo-Ilboudo a ouvert un centre de recyclage de sacs plastiques. Son fonctionnement est simple : collectés dans la ville de Bobo-Dioulasso (la capital régionale) et sa périphérie, ces sacs sont nettoyés, coupés en fines lanières, assemblées, filées et montées sur des métiers à tisser. Ils sont ensuite transformés en sandales, en étuis de téléphone, en portes-monnaies, en sets de table…

Au delà de l’aspect environnemental de ses activités, le centre du Grafeh a permis, depuis sa création en 2003, « d’offrir des revenus stables à ses membres et à leurs familles » et de  » promouvoir l’éducation des femmes grâce aux formations dispensées dans le centre. » Le centre rasemble désormais 85 femmes et fait partie du réseau de commerce équitable WFTO (World fair trade organisation).

– René Pierrot Ekoe (Cameroun) : de la microfinance au profit du solaire

Le projet « énergie et microfinance » piloté par René Pierrot Ekoe a été lancé au Cameroun en mars 2013. Il propose des solutions de micro-crédit pour financer l’achat de solutions solaires et est porté par l’association Pamiga (Groupe de microfinance participative pour l’Afrique), en collaboration avec l’entreprise française ainsi que l’association Microfinance et développement (Mifed) Cameroun.

Il propose deux types de crédits. Le premier, dit « crédit lumière », permet aux foyers d’acquérir un kit complet d’éclairage solaire basse consommation. Le second, dit « crédit énergie », s’adresse aux petits entrepreneurs et vise à leur fournir l’électricité nécessaire au développement de leur activité (salon de coiffure, bar-restaurant…) grâce à des solutions solaires.

– Kerfalla Camara (Guinée) : Une indication géographique protégée pour le café Ziama-Macenta

Objectif : faire reconnaître la qualité du café Ziama-Macenta, cultivé aux confins de la Guinée forestière, à la frontière du Libéria et de la Côte d’Ivoire, Près d’un millier d’agriculteurs guinéens, représentés à Paris par l’entrepreneur guinéen Kerfalla Camara, se sont mobilisées au cours des cinq dernières années, avec le soutien de groupements de collecteurs et de la coopérative Woko, pour structurer leur filière de production, développer un cahier des charges et obtenir une « indication géographique protégée » (IGP).

Cette démarche, rendue possible dans le cadre d’un projet d’appui à la mise en place d’indications géographiques (Pampig) de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), et soutenu techniquement par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique (CIRAD) a permis aux agriculteurs de ce groupement d’obtenir ce label de qualité, jusqu’alors réservé aux produits européens.

– Amadou Tangara (Mali) : Commercer et s’informer grâce aux technologies vocales

Dans le cadre d’un projet financé par l’Union européenne (VOIce-based Community-cEntric mobile Services, Voices), l’ONG Sahel Eco a développé une technologie vocale permettant de fournir des services numériques indépendamment de la langue et du degré d’alphabétisation de l’utilisateur. Amadou Tangara est le porteur de cette initiative, menée en partenariat avec SBC4D (une société spécialisé dans les technologies mobiles et vocales pour le développement social) et Orange Labs (division chargée des activités de recherche pour les pays émergents).

Les trois projets utilisant la voix comme unique interface sont les suivants :

RadioMarché : un service de mise en relation entre des petits exploitants agricoles (600 membres, dont 70% de femmes dans 19 villages) et des acheteurs au Mali et au Burkina Faso. Il transforme les offres de vente envoyées par téléphone en annonces multi-langues diffusées sur les ondes des radios communautaires locales.

Foroba Blon : un outil de journalisme citoyen, qui permet de diffuser des contenus sur le web ou à la radio, en transmettant son témoignage par appel téléphonique.

Tabalé : grâce à un système de reconnaissance vocale, cet outil permet d’envoyer des messages dans les langues vernaculaires (bambara, bomu…) aux possesseurs d’un mobile, pour leur annoncer un événement (ventes groupées de produits agricoles, réunions…)

– Lahoussine El Boudrari (Maroc) : Caissons isothermes pour marchands ambulants de poisson

Avec l’appui des autorités marocaines, l’Office national des pêches (ONP) a choisi d’équiper les vendeurs de poissons ambulants avec des triporteurs munis de caissons isothermes. Cette initiative, portée par Lahoussine El Boudrari devrait bénéficier à près de 1 000 vendeurs aux quatre coins du Maroc.

Outre les aspects sanitaires (notamment la garantie de la qualité des produits vendus et le respect de la chaîne de froid) ce projet espère contribuer à l’accroissement de leurs revenus, tout en favorisant leur organisation au sein d’associations professionnelles.

Pour faciliter l’adoption de ce dispositif, l’ONP assure des modalités de financement avantageuses, ainsi que la formation des vendeurs au conditionnement notamment.

– Moussa Abou (Niger) : Rationaliser les matériaux et l’empreinte écologique du BTP

La « méthode Abou », du nom de l’ingénieur en BTP nigérien Moussa Abou permet de « construire sans coffrage, ni serre-joints des bâtiments en moellons (pierres naturelles) et/ou en voiles composites constitués de béton, de fer à béton et de mortier frais en latérite et/ou en banco (terre crue) ; caniveaux et/ou dalots en dur ».

Primée à de nombreuses reprises dans des salons de l’innovation en Afrique et lors du 41e Salon international des inventions de Genève tenu en 2013, le procédé inventé par Moussa Abou permet de rationaliser l’usage des matériaux ainsi que de réduire le coût et l’empreinte écologique des bâtiments.

Durant son passage à Paris, Moussa Abou a tenu à rappeler que « son invention a permis de bâtir deux cités au Niger ; une première en 1998 et une deuxième plus récemment, en 2012 ». Ce dernier chantier a vu la construction de 174 logements.

– Henry Nyakarundi (Rwanda) : Recharger son portable grâce à l’énergie solaire

La « Mobile Kiosk Platform » du Rwandais Henry Nyakarundi est une unité mobile de recharge électrique pour téléphones portables. Le procédé est simple : le jour, deux panneaux solaires (40W) chargent la batterie centrale ; la nuit, par temps nuageux et en déplacement, elle est alimentée manuellement en pédalant.

Ce kiosque mobile permet de recharger jusqu’à 16 téléphones en même temps pour un coût modeste (10 centimes de dollars). Et pour 330 dollars, l’Africain Renewable Energy Distributor (ARED), la société créée par Henry Narundi propose une franchise comprenant l’unité mobile, la formation et l’entretien du matériel. Elle peut rapporter entre 100 et 150 dollars par mois.

– Aboubacar Sidy Songo (Sénégal) : Une bourse agricole en ligne

Avec sa plateforme Mlouna, créée en 2012, le jeune entrepreneur sénégalais Aboubacar Sidy Sonko a décidé de bousculer le circuit de production agricole dans son pays. Bâtie sur le principe d’une bourse en ligne disponible via SMS, Internet et call center, Mlouma offre aux producteurs la possibilité de communiquer avec des clients sur leurs produits en spécifiant le prix, la quantité, le lieu de production…et de faire la mise à jour de leur stock en temps réel.

À travers les mêmes canaux, l’acheteur peut consulter les offres et commander. Dès qu’il y a accord, un transporteur est contacté pour la livraison. À travers Mlouma, plus de 3 000 producteurs sont actuellement en relation avec des grossistes. Résultat : ils ont amélioré leurs marges et contribué à réguler les prix pour le consommateur.

– Bellachheb Chahbani (Tunisie) : Le choix d’une irrigation efficace et économe

L’universitaire tunisien Bellachheb Chahbani, docteur en géomorphologie appliquée, a développé un procédé pour assurer une gestion optimale des eaux d’irrigation. Au lieu des techniques traditionnelles d’aspersion ou du goutte-à-goutte, son entreprise, Chahtech SA, commercialise un réseau de diffuseurs enterrés.

Ces réservoirs permettent de diffuser l’eau directement aux racines de la plante. Ces diffuseurs enterrés rendent aussi possible une irrigation anticipée qui consiste à stocker pendant l’automne et l’hiver dans le sol du système racinaire de chaque arbre ses besoins en eau pour le printemps et l’été.

Plusieurs fois primé, Bellachheb Chahbani a reçu le prix international de l’eau de l’UNESCO en 2009 et le prix Innovatec en 2012.

– Gaffan Ayéwodé Amoussou (Togo) : Valoriser la pharmacopée traditionnelle africaine

L’ingénieur biologiste togolais Gaffan Ayéwodé Amoussou, un ingénieur biologiste togolais, a créé Global Biotek, une entreprise spécialisée dans la recherche sur les molécules bioactives des plantes et la commercialisation de médicaments traditionnels améliorés (MTA). Concrètement, les MTA sont des produits dérivés de plantes ou d’extraits de plantes. Testés en laboratoire et judicieusement dosés, ils présentent l’avantage d’être abordables pour les populations des pays à revenu faible ou intermédiaire.

En partenariat avec l’Institut marocain des plantes médicinales et aromatiques (INPMA), le laboratoire de biotechnologies microbiennes de la faculté des Sciences et techniques de Fès et l’université de Lomé, Gaffan Amoussou développe ses recherches dans l’espoir de contribuer à la reconnaissance des savoirs ancestraux en matière de soins, ainsi qu’à la valorisation et à la conservation de milliers de plantes en voie de disparition.

Source : Jeune Afrique

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