Censure

Les Corps et Institutions de contrôle en République de Guinée (Par Kerfalla Sylla)

Cet article est la suite d’un 1er travail disponible sur https://www.guineenews.org/guinee-corps-de-controle-et-reformes-de-letat-naissance-dune-expression-magique/. La version PDF avec les notes de bas de page et les sources est également disponible à cette adresse : https://www.fichier-pdf.fr/2019/03/28/corps-de-controle-et-reformes-de-letat/corps-de-controle-et-reformes-de-letat.pdf

Il a été rédigé à la demande de certains lecteurs souhaitant avoir une idée sur le contexte guinéen. Il traite de la typologie des corps de contrôle, de la LOLF et du contrôle budgétaire en République de Guinée.

Il vise à faire un état des lieux sur les corps et Institutions de contrôle en République de Guinée et à donner un bref aperçu sur leurs rôles et missions. Les références des textes sont toutefois données pour ceux qui souhaitent aller plus loin.

En réalité le grand public résume le rôle des Inspecteurs à celui des policiers, oubliant d’autres missions comme l’Audit, l’Evaluation, l’Etude et surtout le Conseil.

Le lecteur averti remarquera que tous les textes cités ont été signés sous la magistrature du Professeur Alpha CONDE. Ce qui dénote une certaine volonté de la 3ème République de garantir un niveau très élevé de contrôle et de performance dans l’Administration publique. Ce qui est aussi une chance pour placer les corps et institutions de contrôle au cœur de cette Administration. L’une des conclusions du 1er article n’était pas que les corps de contrôle demeurent les meilleurs atouts d’un Etat pour la modernisation et l’évaluation des services publics !  

Enfin, l’objectif est surtout de lancer un débat sur l’avenir des corps de contrôle en République de Guinée notamment sur le mode d’organisation ou d’ancrage institutionnel qui peut en ressortir. Peut être dans un autre article !

Pluralité des Inspecteurs mais avec des prérogatives claires 

Il n’existe pas de corps de contrôle proprement dit en République de Guinée, mais une pluralité de contrôleurs ou d’Inspecteurs, qui sont essentiellement les Inspecteurs Généraux d’Etat, les Inspecteurs Généraux des Finances, les Inspecteurs Généraux des Départements Ministériels, la Cour des Comptes et les Contrôleurs financiers.

A l’exception de la Cour des Comptes et du Contrôle Financier, tous les corps de contrôle ont des similarités sur leur gouvernance constituée d’un Inspecteur Général et d’un Inspecteur Général Adjoint nommés par Décret Présidentiel et les attributions fixées dans les mêmes conditions. Ils ont quelques particularités qui découlent de leurs missions.

L’Inspection Générale d’Etat (IGE)

Située ou se considérant au sommet de la chaîne de contrôle en République de Guinée, car rattachée à la Présidence de la République, l’IGE contrôle tous les services publics indépendamment de leur mode de gestion et de leur localisation, tous les établissements publics, toutes les sociétés d’Etat et d’économie mixte et toutes les collectivités territoriales. C’est une Inspection intersectorielle.

L’IGE relève de l’autorité directe de M. le Président de la République dont il reçoit les instructions et à qui il rend compte. A la demande alors du Président, l’IGE dispose d’un droit de regard sur tous les services centraux, déconcentrés et décentralisés sur l’ensemble du territoire national.

C’est le Décret D/2012/124/PRG/SGG du 8 Novembre 2012 qui fixe les attributions, l’organisation et le fonctionnement de l’IGE et le statut des Inspecteurs Généraux d’Etat.

L’ancrage institutionnel de l’IGE et les innovations du Décret D/2012/124/PRG/SGG permettent d’avoir un Corps de contrôle indépendant dont les membres disposent des droits et devoirs et sont recrutés pour l’essentiel par voie de concours. Ils prêtent serment devant le Premier Président de la Cour d’Appel.

L’Inspection Générale des Finances (IGF)

De champ d’action moins étendue que celui de l’IGE car limité au contrôle des finances publiques, l’IGF est un corps de contrôle qui est placé sous l’Autorité du Ministère de l’Economie et des Finances. Elle a d’ailleurs rang de Direction.

L’IGF contrôle particulièrement la gestion des comptables publics, des ordonnateurs et les comptabilités administratives des ordonnateurs secondaires.

Outre les services et organismes relevant du Ministère de l’Economie et des Finances, l’IGF peut également recevoir des missions de la Primature ou de la Présidence.

A la seule différence de leurs ancrages institutionnels, les Inspecteurs Généraux des Finances sont recrutés dans les mêmes conditions que les Inspecteurs Généraux d’Etat. Ils ont en plus les mêmes droits et devoirs.

Sur la même lancée que la réforme de l’IGE, c’est le Décret D/2013/007/PRG/SGG du 10 janvier 2013 qui fixe les attributions, l’organisation et le fonctionnement de l’IGF et le statut des Inspecteurs Généraux des Finances.

A titre de comparaison, et sous un autre registre, il y a l’Inspection Générale de l’Administration Publique (IGAP) qui joue le même rôle dans la fonction publique.

Les Inspections Générales sectorielles

Dans le langage militaire, l’expression Général sans troupe est souvent utilisée, et nous pouvons qualifier les Inspections sectorielles de Généraux sans corps car en réalité elles ne sont rattachées à aucun organisme, à l’image des Contrôleurs Budgétaires Comptables Ministériels (CBCM) et du Contrôle Général Economique et Financier (CGEFi) en France.

A titre d’exemple, les Bureaux de Stratégie de Développement (BSD) relèvent du Ministère du Plan, les Directions des Ressources Humaines de la Fonction Publique.

Même si dans les Ministères, les bonnes pratiques veulent que les Inspecteurs Généraux soient rattachés aux Ministres, il n’en reste pas moins qu’ils n’appartiennent à aucune corporation. Elles n’ont pas de tutelle technique comme les BSD. En réalité, les Inspecteurs Généraux ne font pas forcément carrière dans cette fonction car ils l’exercent de leur nomination à leur révocation qui restent à la discrétion de M. le Président de la République.

Comme l’IGE et le l’IGF, les attributions, l’organisation et le fonctionnement des Inspections Générales sont fixés par Décret. D’ailleurs l’objectif des Autorités est de faire un Décret unique regroupant toutes les Inspections sectorielles. Ce qui constitue déjà une innovation et un début de corporation.

Après publication de ce Décret ! un nouvel article reviendra sur ses innovations et avancées.

La LOLF et le contrôle budgétaire en Guinée

Pour rappel, la Loi organique relative aux lois de finance (LOLF) et son principal texte d’application, le Décret portant Règlement Général sur la Gestion Budgétaire et la Comptabilité Publique (RGGBCP) constituent le cadre de la gestion financière publique de la République de Guinée.

La LOLF et le RGGBCP ont introduit des nouveautés en matière de contrôles administratifs et juridictionnels et renforcer le contrôle des finances publiques notamment à travers le contrôleur financier.

Le Contrôle financier

En effet l’article 75 de la LOLF précise que « Sans préjudice des pouvoirs de l’Assemblée Nationale, les opérations d’exécution du budget de l’Etat et des autres organismes publics sont soumises à un double contrôle, administratif et juridictionnel.

Le contrôle administratif est le contrôle de l’administration sur ses agents, incluant le contrôle interne a priori, concomitant et a posteriori. Il est exercé par voie hiérarchique, par le contrôle financier, par le comptable public, par l’Inspection Générale des Finances, ainsi que par tout autre organe ou service de contrôle interne.

Le contrôle juridictionnel sur les ordonnateurs et les comptables ainsi que le contrôle de la gestion sont exercés par la Cour des Comptes. »

Dans l’esprit de la LOLF, le contrôleur financier (CF) est chargé de veiller à la conformité budgétaire, tant en matière de crédits que d’emplois, et à la régularité des projets d’engagement. Il évalue la qualité et l’efficacité du contrôle interne et du contrôle de gestion mis en œuvre par les ordonnateurs et ordonnateurs délégués ainsi que de la performance des programmes.

Il est placé sous l’autorité hiérarchique et administrative du Ministre chargé des finances.

Le CF est placé dans chaque ministère sectoriel pour, en particulier, vérifier que chaque engagement envisagé par l’ordonnateur ministériel est bien conforme à l’autorisation budgétaire votée par les députés, tant en crédits qu’en emplois. Il contrôle également la régularité financière des dépenses.

Le CF veille enfin en tant que conseiller que contrôleur, à la bonne qualité du contrôle interne et à la performance budgétaire du ministère.

La Cour des Comptes

Quant à la Cour des Comptes, les dispositions de l’article 116 de la Constitution stipulent qu’elle est la juridiction de contrôle a posteriori des finances publiques. Elle dispose d’attributions juridictionnelles et consultatives.

Elle statue sur les comptes publics, ceux des collectivités territoriales et locales, des établissements publics, des entreprises publiques et parapubliques et de tous organismes et institutions bénéficiant de concours financiers de l’Etat.

Il en ressort de cette typologie qu’il existe une catégorisation des corps de contrôle. Et sans rentrer dans les détails sur le fonctionnement de ces structures, force est de reconnaitre que l’Etat guinéen dispose d’un certain nombre d’instruments permettant de garantir l’efficacité de son administration et surtout de veiller à tout dérapage des fonctionnaires dans l’exécution de leurs tâches. L’objectif principal est que chacun respecte les procédures qui ont été fixés et validés en amont.

Ces corps de contrôle disposent t’ils de tous les outils leur permettant de jouer pleinement leur rôle dans l’Administration ou leurs ancrages institutionnels sont-ils suffisants ?

A l’instar des autres pays, la LOLF ne peut être appliquée efficacement que si nous migrons totalement vers le budget programme et une gestion axée sur la performance.

Les corps de contrôle doivent aussi se remettre en cause et se mettre dans l’esprit de la LOLF en modulant leurs contrôles en fonction des risques.

Le RGGBCP : Inspection Générale des Finances vs Inspections Générales sectorielles

Le RGGBCP n’a pas crée de conflits de compétences entre l’IGF et les Inspections Générales sectorielles. Bien au contraire, il a renforcé les pouvoirs des deux Institutions de contrôle tout en les permettant de réaliser les missions communes.

Ainsi, l’article 73 du RGGBCP précise « Les missions d’inspection, de vérification ou d’audit exercées par toutes les inspections ministérielles et interministérielles doivent concerner notamment les questions financières, budgétaires et comptables.

L’Inspection Générale des Finances a une mission générale de vérification de l’ensemble des acteurs responsables de la gestion financière du budget de l’Etat, quelles que soient les administrations ou les institutions dans lesquelles ils exercent leurs compétences… »

Et l’article 75 complète « Les inspections ministérielles ou interministérielles et la Cour des comptes sont habilitées à effectuer le contrôle, sur pièces et sur place, du bon usage des aides et subventions accordées par l’Etat à toute personne morale de droit public ou privé pendant une durée égale à cinq ans à compter du premier jour de l’exercice suivant le versement de l’aide ou la subvention. …»

Au-delà des difficultés rencontrées par chaque Corps de contrôle dans son fonctionnement et la mise en place de budgets programmes, il est important de susciter un débat sur leur avenir, c’est pourquoi il faut se poser la question sur qu’elle réforme pour les Corps et Institutions de contrôle en Guinée ? le prochain travail, et après publication du Décret, permettra de donner son avis sur cette interrogation.

Kerfalla SYLLA, Inspecteur Général

Ministère en charge des Investissements et des Partenariats Publics Privés

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