Censure

La grogne des mauvais perdants (Opinion)

Le 28 septembre  2013, les GuinĂ©ens se sont massivement rendus aux urnes pour choisir leurs 114 dĂ©putĂ©s  Ă  l’AssemblĂ©e nationale, aprĂšs  11 ans d’attente. Ce jour, dĂ©mentant  tous les pronostics d’apocalypse vĂ©hiculĂ©s  par les  oracles maudits, ils voteront dans le calme et la sĂ©rĂ©nitĂ©. Comme  pour nous venger dĂ©finitivement  de cet autre funeste 28 septembre 2009 oĂč, au stade du mĂȘme nom, une soldatesque  sĂ»rement  ivre et droguĂ©e, se sera livrĂ©e Ă  des violences inouĂŻes sous formes de blessures, tortures et  morts de trĂšs nombreux GuinĂ©ens. En agissant ainsi, notre peuple a rĂ©habilitĂ© cette  date historique de la maniĂšre la plus Ă©clatante, la replaçant dans son contexte rĂ©el d’honneur, de dignitĂ©, et de responsabilité  pour les africains.

Pour ne pas ĂȘtre logé  aux abonnĂ©s absents en ce jour d’un scrutin  si dĂ©cisif pour la finalisation de la transition dĂ©mocratique dans notre pays, le ciel lui-mĂȘme  marquera sa prĂ©sence et sa solidaritĂ© par une belle journĂ©e ensoleillĂ©e et, cerise sur le gĂąteau, nous gratifiera  d’un superbe arc-en-ciel qui sera observĂ© sur la presque totalitĂ© du territoire national.

Toutefois, aussi naturel que soit  un tel Ă©vĂšnement, dans notre GuinĂ©e oĂč  les croyances aux devins, aux fĂ©tiches et autres sorciers demeurent encore vivaces, cette manifestation cĂ©leste donnera lieu Ă  des interprĂ©tations  superstitieuses variant d’un camp Ă  l’autre.

Pour la mouvance présidentielle, il fut noté comme un encouragement venu tout droit du ciel, un signal fort qui donna à ses militants et militantes déterminations et certitude en une victoire inéluctable.

Par contre, les militants et militantes de l’opposition perçurent l’évĂšnement comme la manifestation d’un signe indien qui les poursuit  depuis le deuxiĂšme tour de la prĂ©sidentielle de 2010 ,le signe prĂ©monitoire d’une dĂ©faite inĂ©vitable  traduisant  la colĂšre des dieux contre les multiples  et violentes manifestations de rue perpĂ©trĂ©es par eux avant  l’organisation du scrutin  du 28 septembre 2013 .Les consĂ©quences d’une telle perception ont pour noms : dĂ©couragement ,dĂ©ception et rĂ©signation  face Ă  cet arrĂȘt divin. Convaincu de l’irrĂ©vocabilitĂ© de ce dĂ©cret tombĂ© du ciel quant Ă  l’issue de ce  scrutin, certains parmi eux, atterrĂ©s par cette apparition inattendue de l’arc-en-ciel, reprirent le chemin de la maison, non sans avoir renoncĂ©  à glisser dans l’urne leur bulletin de vote dĂ©sormais devenu, Ă  leurs yeux , impuissant pour conjurer le malheur qui  allait s’abattre sur eux.

Cependant, il faut signaler que les interprĂ©tations diffĂ©rentes de ce phĂ©nomĂšne naturel par les  2 camps  n’auront entrainĂ© aucune forme de violences, ni physique, ni morale.

Cette atmosphĂšre de calme du jour de scrutin et des 2 jours suivants fit croire aux GuinĂ©ens et aux observateurs de la communautĂ© internationale que les acteurs politiques GuinĂ©ens, pour une fois, mettraient  sous l’éteignoir leur inimitiĂ© et leur mĂ©fiance lĂ©gendaires, pour aboutir Ă  des rĂ©sultats  consensuels.

HĂ©las ! C’était sans compter avec  cette opposition ronchonneuse, chicaneuse, acrimonieuse et toujours soupçonneuse, qui n’a confiance en personne, y compris ses propres reprĂ©sentants au sein des institutions de la RĂ©publique. DĂšs l’annonce des rĂ©sultats provisoires de 2ou 3 circonscriptions Ă©lectorales par la CENI, dans un unanimisme et un suivisme propres aux moutons  de Panurge, elle se mit Ă  rejeter en bloc  tout le scrutin, allant jusqu’à demander son annulation totale. Elle  poussera son inconsĂ©quence pour rĂ©cuser  la Cour SuprĂȘme qui les a pourtant faits candidats, avant de se raviser, fort  heureusement. La consĂ©quence d’une  telle attitude dĂ©sinvolte et Ă©pidermique conduira, pour la niĂšme   fois, la Communauté  Internationale  à accourir Ă  nos chevets par l’envoi de son Ă©missaire, l’AlgĂ©rien, Said Djinit .

AppuyĂ© par les Ambassadeurs occidentaux, le mĂ©diateur international parviendra, Ă  force de persuasion et de pression, Ă  convaincre ces va-t’en guerre de renoncer Ă  jeter dans les rues de jeunes innocents. GrĂące Ă  cette dĂ©marche, les proclamations  provisoires se poursuivirent dans un climat de plus en plus apaisĂ©. Au fur et Ă  mesure de l’évolution dans l’annonce des chiffres provisoires, on constatera une montĂ©e  en force de l’opposition, contredisant vigoureusement les suspicions de fraudes dont Ă©tait accusĂ©e la mouvance prĂ©sidentielle. A l’occasion, les observateurs  remarquĂšrent une certaine retenue chez le chef de file de l’opposition. Il ne pouvait en ĂȘtre autrement  quand on sait qu’au dĂ©compte total provisoire par la CENI, il aura  raflĂ© 37 dĂ©putĂ©s contre 53 pour le RPG ARC EN CIEL. Ce score  plus qu’honorable  aura surpris la mouvance, et dĂ©passĂ© les espoirs les plus fous des plus optimistes de l’UFDG.

La participation du leader de L’UFDG au concert de protestations contre les rĂ©sultats provisoires ne saurait donc  s’expliquer que par son dĂ©sir de retourner l’ascenseur Ă   ses  collĂšgues de l’opposition pour services rendus.

Dans ses constats  sur le déroulement du processus électoral, les observateurs  Internationaux indexeront 8 circonscriptions électorales au niveau desquelles des irrégularités et anomalies se seraient produites, et pour lesquelles ils souhaiteraient avoir des éclaircissements.
Au nombre des leaders protestataires, le plus virulent, sans surprise, est  le PrĂ©sident de l’UFR, lui qui ne doit  ses victoires Ă  l’uninominal  qu’aux renforts des voix de l’UFDG.

‘‘Aussi longtemps que le combat politique sera considĂ©rĂ© par la majoritĂ© de nos compatriotes comme une affaire de famille, de parent, d’ethnie, et, accessoirement de rĂ©gion, le RPG ARC EN CIEL et l’UFDG joueront, pour quelques temps encore, les premiers rĂŽles’’

Pourtant, parmi les 8 circonscriptions  visĂ©es par des suspicions de fraudes ou d’irrĂ©gularitĂ©s, 4  sont remportĂ©es par l’UFR. Comment  expliquer alors la hargne et la virulence des propos de l’enfant de KĂŽlon, dans Boffa ? Pour les uns, sa crainte de voir  la Cour SuprĂȘme braquer  les projecteurs pour  Ă©clairer les zones d’ombre  entourant  ses « victoires » Ă  l’uninominal, avec comme risque  leur perte Ă©ventuelle, pourrait  ĂȘtre  une premiĂšre tentative d’explication. La seconde proviendrait du fait que le faucon de l’opposition  nage dans des chimĂšres d’une fausse popularitĂ©, peu rĂ©aliste, dans un pays oĂč le vote est d’abord ethnique, avant d’ĂȘtre autre chose. La prĂ©tendue transversalitĂ© de sa formation qu’il ne cesse de clamer partout est une belle thĂ©orie intellectuelle, plus utile dans les amphithéùtres des UniversitĂ©s occidentales, que dans les sociĂ©tĂ©s semi fĂ©odales comme les nĂŽtres, en transition vers la dĂ©mocratie et la modernitĂ©.

Aussi longtemps que le combat politique sera considĂ©rĂ© par la majoritĂ© de nos compatriotes comme une affaire de famille, de parent, d’ethnie, et, accessoirement de rĂ©gion, le RPG ARC EN CIEL et l’UFDG joueront, pour  quelques temps encore, les premiers rĂŽles. Les forces de ses 2 partis rĂ©sident dans l’importance numĂ©rique de leur composante de base, de leur dispersion sur l’ensemble du territoire national, et par le choix de stratĂ©gie de leur communauté  consistant  à faire bloc autour de leur reprĂ©sentant le plus connu et le mieux placĂ©.

Avec une telle configuration, logiquement, le prĂ©sident de l’UFR  ne devrait  rĂȘver  qu’à une place de 3iĂšme  probable, derriĂšre le Professeur Alpha Condé  et  Elh Cellou Dalein Diallo. Issu d’une branche minoritaire du groupe mandingue, et tenant compte  des mentalitĂ©s du moment, l’homme ne devrait guĂšre se faire d’illusions en escomptant plus, au risque d’ĂȘtre taxĂ© de mĂ©galo ou de paranoĂŻaque. TalonnĂ© par un Kassory Fofana dont le discours ethno-pragmatique  sĂ©duit de plus en plus d’électeurs que  les propos guerriers  et volontairement confus  de  Mr sidiya, le leader de l’UFR gagnerait Ă  limer les aspĂ©ritĂ©s de ses communications, et d’évaluer objectivement  son potentiel Ă©lectoral en tenant compte des contraintes obligatoires du rĂ©flex ethnique. Quel politologue ou politicien sĂ©rieux et honnĂȘte, oserait nier ou sous-estimer la rĂ©alitĂ© et le poids du carcan communautaire et / ou gĂ©ographique en GuinĂ©e, en Afrique, en Asie, et mĂȘme dans les dĂ©mocraties  dites occidentales,  lors des consultations Ă©lectorales ? La Flandre et la Wallonie ne sont pas des rĂ©gions africaines. Non  plus Chypre ou l’Irlande du Nord.

Pourquoi, mĂȘme en occident, les  rĂ©gions de naissance ou de rĂ©sidence prolongĂ©e des candidats correspondent  gĂ©nĂ©ralement Ă  leurs fiefs Ă©lectoraux ?

Nous dĂ©fions n’importe quel GuinĂ©en, d’indiquer un homme politique de notre pays, depuis le dĂ©but  du multipartisme jusqu’à ce jour, qui aura eu plus d’électeurs (en terme de pourcentage) ailleurs que dans sa rĂ©gion d’origine, au cours d’une consultation nationale ? Alors, en attendant  que les GuinĂ©ens ne terminassent leur mue, nous conseillons  au pĂšre de la lumineuse thĂ©orie de la transversalitĂ© politique, de bien vouloir scruter d’autres horizons.

Poursuivant notre ronde chez les grognons, nous tomberons  sur un Lansana kouyatĂ© furieux, Ă©cumant de rage, au motif  qu’il aurait Ă©tĂ© victime de fraudes massives et d’irrĂ©gularitĂ©s  en Haute GuinĂ©e. Quelle ne fut ma surprise ! Mon 1er rĂ©flexe fut donc  d’aller aux nouvelles dans la rĂ©gion, et auprĂšs des rĂ©sidents de cette contrĂ©e Ă  Conakry et partout ailleurs en GuinĂ©e. RĂ©sultat : le RPG ARC EN CIEL n’a absolument besoin ni d’aide, ni de fraudes, mĂȘmes lĂ©gĂšres, pour terrasser le PEDN  dans cette zone. Dans l’attente des preuves irrĂ©futables que le PrĂ©sident du PEDN ne manquerait  pas de dĂ©poser Ă  la Cour SuprĂȘme pour Ă©tayer ses accusations, il ne devrait s’en prendre qu’à lui-mĂȘme, pour n’avoir pas suffisamment tirer les leçons de sa dĂ©bĂącle de 2010, avant de s’aventurer Ă  nouveau sur les sentiers brulants de la savane guinĂ©enne.

C’est en quittant  M. KouyatĂ© que nous parvinrent les Ă©chos  des surprenants propos  prĂȘtĂ©s au chef de file de l’opposition, propos visant à  accrĂ©diter l’idĂ©e  de tricheries contre le PEDN en Haute GuinĂ©e. On serait pris d’un fou rire si l’allusion ne visait Ă  jeter le discrĂ©dit sur le suffrage librement exprimĂ© par des citoyens sincĂšres, honnĂȘtes et dĂ©terminĂ©s dans leur choix. Cette sortie est  d’autant incongrue qu’inappropriĂ©e,  que l’analyse des rĂ©sultats au Foutah  montre une victoire Ă©crasante de l’UFDG sur des partis concurrents comme l’UPR, Hafia, et d’autres.

Feint-il d’oublier  que les motivations qui poussent ses militants Ă  le soutenir   massivement  sont les mĂȘmes qui animent ceux du RPG ARC EN CIEL ? Est-il prĂȘt Ă  accepter l’idĂ©e que sa victoire Ă©crasante au Foutah est le rĂ©sultat de graves machinations contre  l’UPR et HAFIA ?

Il est vrai que l’on ne peut voir  la plaie  qui se trouve au sommet  de son propre  crĂąne, sinon, le leader de l’UFDG ne se serait pas livrĂ© Ă  un jugement aussi risqué  au regard de ses propres  performances.

Autant l’UFDG est imbattable  en Moyenne GuinĂ©e, autant le RPG ARC EN CIEL l’est  au  GbĂš kan djamana. La politique politicienne ne devrait donc pas nous amener  à  nier cette rĂ©alitĂ© fondamentale, tout  juste pour discrĂ©diter l’adversaire, ou envenimer une situation qui ne l’est  que dĂ©jĂ  trop.

Pour clore cette ronde des protestataires, est-il nĂ©cessaire de parler des exhibitions  de ces petits leaders de partis qui auront eu peur d’aller au-devant  des Ă©lecteurs sous les couleurs de leur formation, et qui franchiront, sans aucune gĂȘne, le seuil de l’hĂ©micycle, camouflĂ©s dans les entrailles de l’UFDG ? Non ! Laissons-les plutĂŽt jouir du fruit de leurs prestations griotiques.

Le juge a comme brĂ©viaire, la loi et son intime conviction. Il n’a donc que faire des lubies de pseudo dĂ©mocrates qui pensent que dire le droit, c’est dire ce qu’ils veulent

La tenue du scrutin  du 28 septembre  et la proclamation des rĂ©sultats dĂ©finitifs le 15 novembre 2013 dĂ©montrent Ă  suffisance que l’opposition guinĂ©enne a Ă©chouĂ© dans toutes ses manƓuvres.
Elle a Ă©chouĂ© dans ses actions de dĂ©stabilisation qui ne visaient ni plus, ni moins, qu’à empĂȘcher l’organisation d’une quelconque Ă©lection  jusqu’à la fin du 1er  mandat du PrĂ©sident de la RĂ©publique, le Professeur Alpha CondĂ©.

Elle a Ă©chouĂ© dans ses tentatives frauduleuses qui avaient pour but de rĂ©duire l’électorat du RPG ARC EN CIEL Ă  20%, comme elle l’avait  bruyamment et imprudemment promis.

Elle a Ă©chouĂ© dans sa campagne de discrĂ©dit contre la Cour SuprĂȘme auprĂšs de laquelle  elle finira par dĂ©poser ses recours.

Elle Ă©chouera dans ses rĂȘveries d’avoir une Cour SuprĂȘme Ă  ses ordres, pour la simple et bonne raison que le juge a comme brĂ©viaire, la loi et son intime conviction. Il n’a donc que faire des lubies de pseudo dĂ©mocrates qui pensent que dire le droit, c’est dire ce qu’ils veulent.

Que feront donc ces drĂŽles de dĂ©mocrates si la Cour SuprĂȘme, comme on peut le supposer, rejetait leurs injonctions insensĂ©es d’annulation totale du scrutin ? Accepteront-ils son verdict ? Dans l’affirmative, ils deviendraient de vrais dĂ©mocrates, et contribueraient efficacement au maintien de la quiĂ©tude, Ă  l’évolution et Ă  l’amĂ©lioration du processus dĂ©mocratique dans notre pays. L’autre alternative qui reste Ă  ces grognons, c’est de rejeter l’arrĂȘt  de la plus haute juridiction habilitĂ©e Ă  dire le droit en GuinĂ©e. Si ce rejet ne se limitait qu’à  des menaces verbales, Ă  des gesticulations stĂ©riles, des mensonges et calomnies tels que ceux dĂ©bitĂ©s sur Fria, Mandiana et autres, on pourrait dire  qu’il s’agit lĂ  de comportements tolĂ©rĂ©s et admissibles pour mauvais perdants en DĂ©mocratie. Par contre, s’ils allaient au-delĂ , en recourant aux violentes manifestations de rue, comme ils l’ont promis, ils iraient Ă  l’encontre de l’article 113 de notre constitution qui stipule : ‘‘La Cour SuprĂȘme est la  plus haute juridiction de l’état en matiĂšre administrative et judiciaire. La Cour SuprĂȘme est juge en premier et dernier ressorts de la lĂ©galitĂ© des textes rĂ©glementaires et des actes  des autoritĂ©s exĂ©cutives
’’

S’opposer aux arrĂȘts de la Cour  SuprĂȘme  par de violentes manifestations de rues, ou par d’autres comportements  de nature Ă  gĂȘner ou  empĂȘcher le fonctionnement normal de l’Etat, c’est entrer en rĂ©bellion ouverte contre la RĂ©publique. Dans un tel cas de figure, ils devront faire face Ă  la loi dans toute sa rigueur. Dura lex, Sed lex.

Fria le 13 Novembre 2013

Dr SIDIKI CISSE