Censure

Former pour protéger : L’urgence d’une stratégie nationale de formation en gestes de premiers secours

(Par Mohamed Kouyaté) Chaque catastrophe qui frappe la Guinée – incendie, explosion, inondation, effondrement d’immeuble – révèle un point commun dramatique : l’absence de gestes de prévention et de réponses efficaces parmi la population et les premiers intervenants.

La tragédie du dépôt d’hydrocarbures de Kaloum en décembre 2023, avec ses 25 morts et plus de 400 blessés, l’a encore illustré. Faute de formation adaptée, les réactions spontanées, désordonnées ou dangereuses ont souvent aggravé les conséquences humaines.
Former massivement à la sécurité civile est désormais une urgence nationale pour protéger la vie, les biens et assurer une réponse rapide et coordonnée face aux crises.

I. Une population vulnérable faute de préparation

En Guinée, moins de 10% de la population a reçu une formation minimale en gestes de premiers secours ou en conduite à tenir en cas d’incendie, d’inondation ou d’accident industriel.
Par ailleurs :

  • Moins de 15% des enseignants du primaire et du secondaire sont formés aux consignes d’évacuation.
  • Moins de 5% des gestionnaires de marchés ont été formés à la manipulation des extincteurs ou aux premiers gestes d’urgence.
  • Les programmes scolaires ne prévoient aucun module obligatoire de sensibilisation aux risques majeurs.

Face à ces lacunes, chaque incident devient potentiellement plus meurtrier.

II. Pourquoi une stratégie nationale est indispensable

Sans stratégie nationale de formation à la sécurité civile :

  • Les citoyens restent passifs et vulnérables face aux dangers.
  • Les premiers secours sont improvisés, retardant l’intervention professionnelle.
  • Les services publics (écoles, hôpitaux, marchés) sont incapables de gérer efficacement les situations d’urgence avant l’arrivée des secours.

À l’inverse, des pays comme le Rwanda ou le Maroc ont démontré que former au moins 25% de la population active réduit significativement le nombre de victimes lors de catastrophes (réduction de 30 à 50% des décès lors d’accidents collectifs en dix ans).

III. Les axes prioritaires d’une stratégie nationale de formation

Pour bâtir une Guinée plus sûre et plus résiliente, il est urgent d’engager les actions suivantes dès 2025 :

  • Inclure un module « Prévention et premiers secours » obligatoire dans les programmes scolaires dès le collège.
  • Former systématiquement tous les agents de la fonction publique aux risques majeurs (objectif : 100% des agents formés d’ici 2027).
  • Créer un Compte Personnel de Formation (CPF) dédié aux métiers de la sécurité civile et de la prévention incendie.
  • Ouvrir 5 centres régionaux de formation à la sécurité civile pour professionnaliser les intervenants de terrain (objectifs : au moins 5 000 citoyens formés par an).
  • Certifier les entreprises privées et ERP dont les personnels auront suivi des formations obligatoires en gestion des risques.

Une politique nationale incitative (subventions, primes de reconnaissance) pourrait accélérer l’adhésion du secteur privé.

Conclusion

Former, c’est protéger.

La formation massive à la sécurité civile est l’arme la plus puissante pour sauver des vies, limiter les dégâts, renforcer la résilience nationale.

Elle doit devenir un droit pour chaque citoyen et une obligation pour chaque employeur public et privé.

Si nous voulons bâtir une Guinée forte, sûre et prospère, formons nos citoyens, nos agents, nos commerçants et nos étudiants dès aujourd’hui.

La résilience commence par l’apprentissage.