Seize ans après le massacre du 28 septembre 2009, les plaies restent béantes et les mémoires à vif. À la Maison de la presse de Conakry, une conférence a réuni ce mardi 7 octobre 2025 deux associations emblématiques des victimes de cette tragédie nationale :
l’Association des Femmes et Filles Victimes de Violences du 28 septembre 2009 (AFFV), représentée par sa présidente Ami Diop, et l’Association des familles des disparus du 28 septembre 2009 (AFADIS), dirigée par Mamadou Bailo Bah.
Toutes deux ont livré des déclarations fortes, mais au ton radicalement différent. La première a choisi la reconnaissance et l’apaisement, l’autre la vigilance et l’exigence de justice. Deux discours qui révèlent aujourd’hui un contraste au sein même des victimes du 28 septembre, même si ces dernières disent le contraire.
Dans un ton empreint d’émotion et de reconnaissance, Ami Diop, présidente de l’AFFV, a salué les efforts du président de la Transition, le général Mamadi Doumbouya, pour « l’indemnisation accordée aux victimes des évènements douloureux du massacre du 28 septembre ». Elle a qualifié ce geste d’« acte de reconnaissance et de solidarité envers les personnes qui ont subi des préjudices », tout en louant le « leadership et la détermination » du chef de l’État.
Mais c’est surtout sa prise de position sur la grâce accordée à l’ancien capitaine Moussa Dadis Camara, principal accusé dans le procès du massacre, qui a surpris. Pour Ami Diop, cet acte est « un signe de volonté de promouvoir la réconciliation et la paix dans notre chère Guinée unie et prospère ». Elle a même exprimé sa gratitude envers le président pour cette décision, vue comme une étape vers la guérison nationale.
Ce ton conciliant tranche avec la douleur encore vive de nombreuses familles. Pour l’AFFV, la priorité semble être désormais de tourner la page, au nom de la paix et de l’unité nationale.
Quelques instants avant Mamadou Bailo Bah, coordinateur de l’AFADIS, a livré une déclaration d’un ton bien différent.
S’il a lui aussi salué « l’engagement courageux de l’État guinéen » et la « rupture avec les régimes précédents » qui ont longtemps nié la justice, il a surtout exprimé de profondes préoccupations sur la suite du processus judiciaire.
« Le chemin n’est pas encore terminé », a-t-il rappelé, avant d’appeler la justice guinéenne à parachever ce chantier historique pour garantir « la non-répétition des crimes ». Son communiqué dénonce le retard dans le paiement des indemnisations à certaines victimes, malgré la délibération du 31 juillet 2024, et met en garde contre la libération de Moussa Dadis Camara, qualifiée d’« incomprise » et « source de frustration ».
« Cette libération ravive les blessures et soulève des questions sérieuses de sécurité et de représailles potentielles contre les victimes et leurs familles », prévient-il. Un message fort, teinté de prudence, mais aussi d’amertume face à ce que l’association considère comme une justice encore incomplète.
Abdoul Lory Sylla pour guinee7.com