Censure

Guinée/Mines : Cette décision controversée du ministre Bouna…

Une signature qui interroge. Selon des sources internes au ministère des Mines et de la Géologie, le ministre Bouna Sylla vient d’accorder, via un mémorandum d’entente (MoU), le permis minier précédemment retiré à Axis à la société SD Mining, une entreprise 100 % chinoise. Cette décision suscite un profond malaise, d’autant qu’une société guinéenne concurrente, AGB2A-GIC, avait soumis une proposition jugée nettement plus avantageuse pour l’État.

Le permis en question était auparavant détenu par Axis, qui l’avait cédé à la coentreprise AGB2A. Celle-ci réunissait la société guinéenne GIC (58 %) et SD Mining (42 %). Sous pression du ministère des Mines de l’époque, cette alliance a volé en éclats. Résultat : deux nouvelles entités sont créées – AGB2A-GIC, 100 % guinéenne, et AGB2A SD Mining, entièrement contrôlée par les Chinois.

Depuis, chacune tente de s’imposer sur le même permis. Mais à la surprise générale, c’est la partie étrangère qui vient d’obtenir les faveurs du ministre.

Nos enquêtes révèlent des écarts flagrants entre les propositions financières : AGB2A-GIC propose 150 millions USD immédiatement et 100 millions supplémentaires dans un délai de six mois. À cela s’ajoutent des revenus d’amodiation estimés à 50 millions USD par an, ainsi que des engagements en matière d’investissements locaux.

SD Mining aurait proposé un montant total de 250 millions de dollars USD, dont 125 millions payables immédiatement et les 125 millions restants au cours de l’exploitation. Une autre source évoque une autre offre: un paiement immédiat de 50 millions USD, suivi de 75 millions à court terme, avec le reste (125 millions USD) à verser durant l’exploitation.

Non seulement l’offre guinéenne est plus généreuse à court terme, mais elle garantit aussi des retombées locales plus substantielles. Pourquoi, dès lors, favoriser la moins-disante ?

Silence radio au ministère

Contacté, le ministre Bouna Sylla n’a fourni aucune explication. Pourtant, les questions ne manquent pas : Pourquoi écarter une entreprise guinéenne au profit d’un opérateur étranger, malgré une offre financière moins avantageuse ? Pourquoi ignorer la recommandation de cadres du ministère qui préconisaient un maintien des deux entreprises, moyennant un paiement immédiat de 125 millions USD chacune ? Quelle est la véritable valeur juridique d’un MoU dans une affaire aussi stratégique ? Pourquoi ne pas avoir envoyé une mission d’évaluation sur le terrain, afin de comparer objectivement les capacités réelles des deux entités ?

Il faut dire que la société GIC, actionnaire majoritaire d’AGB2A-GIC, n’a pourtant pas démérité. Après la rupture avec SD Mining, elle a hérité seule d’un passif de 28 millions USD. Elle a réussi à rembourser plus de 80 % de cette dette, tout en investissant plus de 300 millions USD dans un nouveau port minier.

En 2024, elle a exporté plus de 7,5 millions de tonnes de bauxite, et projette d’atteindre 15 à 18 millions de tonnes en 2025. Une performance honorable que la décision ministérielle vient brutalement balayer d’un revers de main.

En un mot ou en mille, en l’absence d’explication claire, cette décision soulève des soupçons légitimes sur les motivations réelles du ministre. Dans un contexte où l’emploi, la création de valeur locale et la souveraineté économique sont des priorités affichées par les autorités guinéennes, écarter une entreprise nationale au profit d’une multinationale étrangère -sans justification solide- relève non seulement d’un choix économique discutable, mais d’un risque politique et économique majeur.

Par Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com