Censure

Affaire Kassory et Cie. Les avocats mettent le procureur Touré sur le banc des accusés

Le procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Économiques et financières (CRIEF), a été au centre d’une conférence de presse animée ce lundi par le pool d’avocats chargé de défendre les anciens ministres d’Alpha Condé qui sont en prison.

A tour de rôle, les avocats ont relevé des irrégularités dans la procédure menée par le procureur.

Nous demandons que le mandat de dépôt soit levé

Selon Me Ousmane Sèye, avocat à Dakar, l’un des avocats du premier ministre Kasory, le procureur s’est trompé de rôle. « Pour les personnes poursuivies sur la base de lois spéciales, le procureur n’a pas la qualité ni la compétence de diriger des procédures contre elles sur la base de la flagrance et de décerner mandat de dépôt. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que ces personnes-là sont incarcérées sans base légale ; donc sont séquestrées. Nous demandons que le mandat de dépôt soit levé. Aujourd’hui le procureur a martelé qu’il essaye de contraindre nos clients à rembourser. Donc il les a déjà jugés. Et mieux, il veut que ces personnes remboursent sans que ces personnes ne soient condamnées. C’est extrêmement grave. La violation de la présomption d’innocence. Il a parlé de son dessaisissement. Il nous a dits, j’ai poursuivi sur la base de la flagrance. Après il y avait impossibilité du tribunal de se réunir, j’ai transféré le dossier à nos juges d’instruction. Là aussi, je crois que c’est la méprise procédurale. Parce qu’il n’appartient au procureur quand il est saisi, de renvoyer ou de ne pas renvoyer. Quand le procureur est saisi en matière de flagrant délit il doit immédiatement saisir le tribunal. Et quand le tribunal est saisi, mais le procureur est dessaisi. En droit les mots ont leurs sens. Quand la loi dit que si le tribunal est dans l’impossibilité de se réunir, cette impossibilité doit être motivée. Cela renvoie à la force majeure… Il oublie qu’il a mis des gens sous mandat de dépôt et que le procureur lui-même ne peut pas mettre une personne sous mandat de dépôt pour le compte du juge d’instruction. Le procureur est partie au procès comme nous les avocats. Ce qu’il fait, c’est faire un réquisitoire pour demander au juge d’instruction de décerner un mandat de dépôt. Et ce réquisitoire ne lie pas le juge d’instruction. En décernant un mandat de dépôt et en demandant au juge de continuer et d’ouvrir une information, est une violation expresse et manifeste de la loi. Tout ceci pour dire quoi ? Que c’est un acharnement contre des personnes ; qu’on a violé volontairement la loi ou qu’on est dans une ignorance parfaite », a expliqué Me Sèye.

le procureur s’est amusé avec la liberté des personnes

Me Dinah Sampil quant à lui, a indiqué le caractère spécial que doit revêtir les actions de la CRIEF : « La juridiction dénommée la CRIEF est une juridiction spéciale, qui a été créée par l’ordonnance numéro 2021/037/ PRG/CNRD/SGG et en tant que juridiction spéciale, la loi qui l’a créée est également une loi spéciale. Son fonctionnement doit être basée sur cette loi spéciale. Mais vous avez suivi le procureur. En aucun moment, il ne vous a parlé d’une seule des dispositions de cette ordonnance de la CRIEF. La première violation consiste donc à ça. Ensuite, nous estimons personnellement que le procureur s’est amusé avec la liberté des personnes qu’il a envoyées illégalement à la maison centrale. »

Nos clients sont en prison sous la base d’un mandat de dépôt qui émane d’une personne qui n’a ni qualité ni autorité ni loi…

Me Mamadou Ismaïla Konaté, avocat à Bamako et à Paris a estimé qu’« on a un procureur spécial qui viole la loi, on a un procureur spécial qui viole et on a un procureur spécial qui opprime des citoyens libres. Et pourquoi il le fait ? Parce que lui procureur spécial sait, que si le 6, s’il avait présenté les quatre devant un magistrat instructeur, aucun ne l’aurait suivi dans sa réquisition, pour placer sous mandat de dépôt. Parce que le 6, il n’y avait pas de dossier matériel. Et aujourd’hui encore, il n’y a pas de dossier matériel encore. On sait les bases de poursuite qui sont les Infractions indiquées. Mais quand on parle de détournements de deniers publics, on dit : il a détourné, un milliard, deux, trois, quatre, cinq, vingt milliards de francs guinéens. Aujourd’hui nous n’avons absolument aucune indication. Ni de chiffres d’une part ni de quantité d’autres part, ni même qui supporte le préjudice. On se contente des énumérations de poursuivre. Qu’est-ce qui va se passer demain ? Nos clients sont en prison sous la base d’un mandat de dépôt qui émane d’une personne qui n’a ni qualité ni autorité ni loi… Dès demain, nous mettrons en œuvre tout ce qui est possible en droit pour aller obtenir l’annulation du mandat de dépôt en mettant en avant son caractère caduc… »

On cherche à les humilier

Me Sidiki Bérété a accusé le procureur d’être à la solde du pouvoir en place. « Sa seule mission, comme il l’a promis aux hommes de la transition; depuis le mois de février nos clients sont bloqués à partir de l’aéroport. Le procureur a pris soin d’écrire sans mesure judiciaire. Donc je crois que là où on est l’heure est grave pour tout guinéen. Les magistrats là ont prouvés qu’ils sont au service des hommes de coup d’Etat. On cherche à les humilier. Que Dieu sauve la Guinée. Ce n’est plus une transition. C’est de la séquestration. Au même moment, on est au Palais et on veut tenter une réconciliation maquillée », a-t-il dit.

une chasse aux sorcières a commencé…

Me Salifou Beavogui a quant à lui, rappelé qu’ils se battent « pour les principes et les valeurs. Ce n’est pas un système qui nous intéresse. Un avocat qui n’est inquiet quand les libertés sont confisquées de la sorte doit se poser beaucoup de questions. Depuis le 5 septembre, une chasse aux sorcières a commencé… Ce sont les convocations qui sont éparpillées dans leurs domiciles. Ils arrivent, il n’y a aucun dossier, aucune enquête. Quand vous venez, on vous pose des questions dans tous les sens. Même des faits prescrits. Par la suite, vous êtes devant le procureur, qui par tâtonnements, ne se donne même pas le souci de regarder bien les procès-verbaux, il oriente le dossier en flagrant. Lorsque vous avez en face des magistrats, on est rassuré. Mais lorsque ce sont des missionnaires, c’est grave. Parce qu’ils n’agissent qu’en fonction de la mission assignée. Monsieur Aly Touré, excusez-moi de le citer, procureur spécial, n’est pas un procureur de la dernière minute. Il vient d’un tribunal d’une région pour Conakry. Il sait comment et quand est-ce qu’il faut programmer un dossier en flagrant délit. S’il a pris la responsabilité sur lui d’engager la procédure en flagrance, il devrait par honnêteté intellectuelle, pour le respect de la loi, de nos clients et des textes qui régissent la matière, attendre qu’on aille devant les juridictions de jugement, poser ses difficultés et voir qu’est-ce qui pourrait être décidé ».

Est-ce que ce n’est pas un plaisantin

Me Djibril Kouyaté, bâtonnier de l’ordre des avocats a affirmé sur le compte du procureur : « Quand je l’ai entendu parler, j’avoue que j’ai été très très déçu. Un magistrat de cette trempe se permet de mentir. C’est très simple, ni nous avocats, ni lui le procureur ne peut pas fixer la date de l’audience, parce que nous ne sommes pas le juge. Il peut parler aux profanes qui ne savent pas que lui, il est partie au procès comme nous. Donc ce n’était pas à nous de fixer la date d’audience. Dans la panique parce qu’il était paniqué, il savait qu’il était en train de prouver une procédure qui ne tenait pas la route. Il a lui-même fixé la date d’audience et il a voulu que les avocats confirment cette date. Les avocats n’étaient pas en mesure de confirmer cette date parce qu’ils ne pouvaient pas le faire, donc ça veut dire qu’il a menti. J’espère que ce qu’il a dit est resté à l’interne ici, parce qu’il ne faut pas que cela soit entendu à l’extérieur du pays. Sinon on se poserait la question de savoir si celui-là est véritablement un procureur ? Est-ce que ce n’est pas un plaisantin. Je crois qu’il doit faire partie de ces magistrats qui ont pris la mauvaise habitude de toujours mettre les fautes sur les avocats. Mais cette fois-ci, le procureur a été tout simplement ridicule. »

Enfin, « nous vous demandons de vous tenir toujours prêts. Parce que nous répondrons coup par coup à monsieur le procureur spécial » a-t-il prévenu.

A rappeler que le pool des avocats a décidé de mettre une plate-forme numérique en place pour permettre que les journalistes soient informés en temps réel sur l’avancée des différents dossiers.

Abdou Lory Sylla pour guinee7.com

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