Censure

Alpha Condé, l’opposition, et le « troisième mandat » (Par Ibrahima S. Traoré)

Alpha Condé s’est assagi. Il répond de moins en moins aux quolibets et se montre de plus en plus ferme dans ses prises de décision. Il y a cinq ans, ce n’était pas du tout le même président. A l’époque, il parlait beaucoup trop, se montrait souvent impulsif et surtout frileux. Ses adversaires comptaient justement sur ce caractère pour le détourner de son projet de « troisième mandat ». Ils ont pensé, à tort, qu’il pouvait faire plier le chef de l’Etat guinéen, en accentuant la pression…

De toute évidence, le « vieux » semble avoir appris de ses erreurs. Contre toute attente, il a tenu jusqu’au bout, et mieux, il a développé une stratégie de communication qui a désarçonné ses adversaires. Alors que tout le monde l’imaginait à la baguette, au four et moulin, s’exprimant à l’emporte-pièce pour défendre son projet décrié par son opposition politique, il s’est fait investir par son parti qui a dû ramer (c’est tout au moins l’image qui a été largement véhiculée) pour lui faire « accepter » sa candidature. Cerise sur le gâteau, ce serait des femmes qui ont mis leurs moyens à contribution pour payer la caution du candidat Alpha Condé. Pince-sans-rire, Apha Condé, version 2015-2020 ! Un comportement déroutant pour ceux qui faisaient des plans sur la comète, manipulant les instincts les plus bas de notre société, avançant masqués en changeant de Front, choisissant l’épreuve de force pour « empêcher » des élections, que dis-je, un référendum, contraints de maquiller au finish leur communication pour masquer le fait qu’ils ont fait chou blanc. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, la candidature inattendue d’Alassane Ouattara, en Côte d’ivoire, a rabattu le caquet de ceux qui comptaient sur la France pour porter haut une revendication légitime mais qui manquait cruellement de stratégie. N’est-ce pas cette ténacité du locataire de Sékhoutoureyah qui a occasionné la spectaculaire volte-face de l’UFDG, membre récemment « exclu » du fameux FNDC dont le candidat naturel, Cellou Dalein Diallo, n’attendait que la bonne occasion pour tenter sa « chance » ? Et pourtant, le contexte du processus électoral n’a pas changé. Et pourtant, le référendum a eu lieu. Et pourtant Alpha Condé est bel et bien candidat et a déposé ses dossiers bien avant le leader de l’UFDG…

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’un Ousmane Gaoual Diallo, personnage atypique dans son style et la répartie de ses réflexions, tente de justifier la candidature de Cellou par le fait que la présidentielle de 2020 a été programmée par la Constitution de… 2010 ! Evidemment, il fallait bien amuser la galerie. La politique a cela de cynique : il y a des situations où la morale est un boulet. Les enfants de chœur apprécieront !

Ce qui est cependant inquiétant, c’est que Cellou semble s’être passé tout seul les menottes – son parti, avec -, en comptant beaucoup plus sur la frilosité d’Alpha Condé et sur le combat d’apprentis « stratèges » du FNDC, en refusant de préparer méticuleusement la présidentielle qui requiert une organisation plus sérieuse que juste la structure formelle d’un parti politique, fut-il l’UFDG. Pendant des mois, il a préparé ses militants à ne pas aller aux élections, via son Fodé Oussou (encore lui !), qui disait ceci, rien qu’en février dernier : « Nous ne sommes pas concernés par ce processus électoral. Ne retirez pas vos cartes d’électeurs, ça n’a aucune importance. Si vous tombez sur une carte d’électeur, faites-en ce que vous voulez » ! C’était lors des législatives et le référendum, au moment où le pouvoir et ses alliés encourageaient leurs militants à s’inscrire sur les listes électorales.

La question est donc de savoir comment battre Alpha Condé dans des urnes pour lesquelles on n’est pas préparé ? En s’autoproclamant président ou en hurlant à la fraude ? En comptant sur le « peuple » (lequel d’ailleurs ?) qui vous a laissé en rade le 22 Mars 2020 ? Les miracles, on ne le sait que trop depuis l’histoire des saints capables de transformer le plomb en or ou de faire pleuvoir pain et calamités, n’existent que dans la tête de ceux qui s’y accrochent. La mémoire des morts, exhibés indécemment comme des trophées, peut attendre hommages et larmes de crocodile.

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