Censure

BAC 2022 : Un Bac politique, injuste et absurde (Par Ousmane Boh KABA)

Quelques heures avant la proclamation des résultats du baccalauréat session 2022, dans un discours, Guillaume Hawing s’adressait à ses « chers compatriotes » en ces termes : « L’année scolaire 2021-2022 a été une année de diagnostic. Ces faibles taux de réussite aux examens nationaux session 2022 (17 % au CEE ; 15% au BEPC et 9% au Baccalauréat) sont le reflet même de la déliquescence à outrance de l’école guinéenne ».

Et pourtant, en novembre 2016, le président de la République, le Professeur Alpha Condé avait mis en place, par décret n°327, la commission nationale de réflexion sur l’éducation (CNRE). Après près d’un an de travaux en sous-commissions et en plénières, de lectures et de synthèses de centaine de documents, d’entretiens avec des décideurs à plusieurs niveaux du système éducatif et de l’État, la commission a présenté un document structuré en trois parties à savoir : les objectifs de la réforme, le diagnostic du système éducatif et les réformes proposées. La démarche et le travail effectué furent salués par la totalité des acteurs et observateurs de l’école guinéenne.

Dès lors, qui pour nous expliquer que, celui qui, selon ses propres termes, a toujours ambitionné transformé l’école guinéenne, qui a gravi tous les échelons du système éducatif guinéen, y compris conseiller de ministre, a été directeur général de l’Institut privé Mahatma Gandhi de Lambanyi, avant d’être ministre de l’Enseignement Pré-Universitaire et de l’Alphabétisation, poste qu’il réclamait depuis 11 ans, ose nous regarder droit dans les yeux et affirmer, sans sourciller, je cite : « L’année scolaire 2021-2022 a été une année de diagnostic » ? Pouvait-il ignorer qu’un diagnostic existe ? Est-ce un aveu d’échec, d’incompétence ou d’impuissance ? Être médecin peut-il s’improviser ? L’alphabétisation peut-il s’improviser, si l’on veut répondre aux besoins des apprenants, tenir compte de leur contexte et leur apporter des compétences adaptées, utilisables et durables ? Peut-on s’improviser chercheur, surtout si l’on veut obtenir des résultats valables et importants ?

Que dire lorsque, celui qui nous appelle « Chers compatriotes », je doute fort que nous lui soyons si « Chers » que ça, affirme, je cite : « Ces faibles taux de réussite aux examens nationaux session 2022 (17 % au CEE ; 15% au BEPC et 9% au Baccalauréat) sont le reflet même de la déliquescence à outrance de l’école guinéenne. » ? La qualité d’un système éducatif transparait-elle à travers les résultats de l’évaluation des apprenants en fin de cycle ? Les taux de réussite confirment-ils la faiblesse d’un système éducatif ? Par exemple, entre ceux qui bachotent deux mois avant et les émotifs qui perdent leurs moyens le jour J, on se retrouve souvent avec des diplômés qui ne méritent pas toujours leurs notes. Peut-on, dans ce cas précis, affirmer valablement que le baccalauréat reflète le niveau de l’étudiant ? Pourquoi alors les Américains, qui ont marché sur la lune, qui ont explorer Mars, la planète rouge, qui ont la première puissance technologique au monde, n’ont-ils pas de « baccalauréat » ?

Aux USA, le baccalauréat n’existe pas. Pas d’examen final pour décrocher le High School Diploma. Les élèves « graduent » en fin d’études sur la base de contrôles continus et d’épreuves annuelles. Des examens que les élèves sont habitués à passer chaque année depuis l’école élémentaire. En Suède, dans ce pays scandinave, souvent mis en avant pour son système éducatif performant, il n’y a tout simplement pas de baccalauréat. Le pays délivre à ses élèves un certificat de fin d’études fondé sur l’ensemble des résultats obtenus au cours de leur scolarité. En Allemagne. Outre-Rhin, les notes obtenues aux quatre ou cinq épreuves terminales, selon les Länder, ne représentent qu’un tiers de la note finale de l’Abitur, nom du bac allemand. Les deux autres tiers résultent d’un contrôle continu sur les deux dernières années d’études au lycée. En Angleterre, pour obtenir le A-level, les élèves choisissent entre trois ou quatre disciplines qu’ils passent à la fin de l’année, en fonction de leur projet professionnel.

Notre pays a une structure démographique avec un actif qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Nous devons être déterminés à transformer cet actif démographique en dividende économique. C’est-à-dire, non seulement à éduquer et former notre jeunesse mais aussi à lui offrir des emplois. Nous devons donc agir sur toutes les causes de la baisse du niveau scolaire. Une prise de conscience collective nécessaire pour un retour à la discipline, à la rigueur qui, par le passé, ont fait la fierté de notre système éducatif, en vue de rétablir les années scolaires normales. Autrement c’est notre jeunesse qui en paie le prix, un prix lourd de conséquence car il façonne l’avenir de nos garçons et de nos filles et nous éloigne de ce dividende économique que la nation attend d’une jeunesse responsable, bien éduquée et bien formée. Si le moindre des respects que l’on doit aux élèves, est de leur fournir une évaluation « honnête » de leur niveau, seul, le taux de réussite aux examens ne veut rien dire. Une thérapie réaliste et adaptée à notre temps doit être appliquée sans quoi, à l’instar du baccalauréat 2022, on aura toujours des examens nationaux politiques, injustes et absurdes.

 

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